Lionel Dray et Clémence Jeanguillaume
Depuis 2023, le théâtre Garonne accompagne Lionel Dray et Clémence Jeanguillaume en tant que producteur. À ce titre nous assurons la diffusion de leur répertoire et accompagnons depuis l’origine du projet leur dernière création, Madame L’Aventure, que nous aurons la joie d’accueillir à Toulouse, puis de faire découvrir partout en France au cours de la saison 24-25.
Le regard ne s'empare pas des images, ce sont elles qui s'emparent du regard. Elles inondent la conscience. Franz Kafka, Journal
C'est à la fois un couple, un duo, un binôme, mais leur dresser le portrait c’est aussi l’occasion de les dissocier pour faire advenir leur complicité et le pourquoi du comment de leur collaboration.
Son identité est composée de trois prénoms, et il faut croire que ça raconte quelque chose : Clémence Jeanguillaume est une artiste aux multiples facettes et savoir-faire. Elle est diplômée de danse contemporaine et est aussi musicienne, notamment compositrice pour le spectacle vivant et le cinéma. En 2018, elle forme le groupe Katchakine aux influences new wave, punk, funk, techno… et elle vient tout juste de monter la compagnie Diva bonsoir, aux côtés de Lionel Dray (on y vient), avec lequel elle a créé en 2021 Ainsi la Bagarre (présenté à Garonne en 2023), et Madame L'Aventure (présenté cette saison à Garonne). Lionel Dray est comédien, il intègre en 2006 le Conservatoire national supérieur d’art dramatique et joue dans des spectacles de Jeanne Candel, de Sylvain Creuzevault, et Samuel Achache. Il crée son premier spectacle en 2018, Les Dimanches de Monsieur Dézert (présenté à Garonne en 2020), qu’il tourne depuis.
Un peu clowns tous les deux, on décèle à travers leur regard et leur dégaine une certaine mélancolie déjantée qui ne manque pas de poésie. Leurs voix, leurs corps marquent les mots, l’espace, le temps et font jaillir au plateau un onirisme absurde qui ne laisse pas insensible. Iels ont cette présence magique, l’air de rien, tout en simplicité et parviennent à sonder les tréfonds existentiels de tout un chacun en humorisant le vertige et en faisant preuve d’une grande acuité. On passe du rire aux larmes.
Leur manière de travailler ressemble à une espèce de marmite en ébullition où chaque élément est un exhausteur de goût pour les autres : ça infuse, ça bouillonne, ça enivre. Les références sont nombreuses, et les multiples collages déploient un terrain de jeu précieux pour l’imagination. Leur rapport plastique à la chose théâtrale ouvre des possibles et déplace le regard. On exulte.
Avec Clémence Jeanguillaume et Lionel Dray, tout est là pour soutenir le jeu, le jeu joue même avec le jouant. Rien ne sert de chercher le sens, il faut plonger dans le drame, jongler avec les débris et se laisser porter par le maniement joyeux de leurs idées. Qu’iels soient peinturluré·es, masqué·es, grimé·es, on les reconnaît, on s’y retrouve. Leur étrangeté nous est presque toujours familière car elle brasse la beauté du très banal et du presque rien. On s’émerveille.
Le miracle de leur théâtre est de faire feu de tout bois, c’est jubilatoire.
Pauline Lattaque