Depuis plusieurs années, les étudiant.e.s en DMA* costumier du Lycée Gabriel Péri explorent la programmation du théâtre Garonne en étroite collaboration avec leurs enseignants. Cette saison, Maëlys Bottura a souhaité partager ses délicates impressions à l’issue de la représentation du spectacle de Robyn Orlin And so you see… majestueusement interprété par Albert Silindokuhle Ibowe Khoza.
Nous sommes plongés dans une atmosphère chaude, un large fauteuil de cuir, dos au public, pour seul décor. Sur ce même fauteuil une masse vivante se trouve cachée sous un drap. Au mur une projection vidéo, d’images vidéo tournées sûrement en Afrique du Sud. On peut apercevoir de cette masse qu’elle respire à grandes inspirations, la vidéo capte et nous retransmet cette action. Sous ces plis de draps, le souffle de la respiration crée des mouvements, s’apparentant à des dunes de sable, à un paysage que l’on peut donc interpréter.
C’est donc en Afrique du Sud que nous partons, à travers ce féticheur au corps gracieux, androgyne, beau et lisse.
S’ouvrant petit à petit à la vie, enveloppé dans son film protecteur, renaissant par le plaisir, par le soleil d’une orange et le ciel bleu de sa terre natale. Il nous contera son pays et ses doutes par la danse, au gré de mouvements souples, énergiques et rythmés, de couleurs et de délicatesse, de chants lyriques et gutturaux et de rires. On peut lire à travers ce spectacle un pays dont la population est exploitée pour les richesses naturelles dont les sols regorgent, la pression de corruption exercée par des pays plus puissants.
Mais, c’est aussi, sur un mode très personnel que ce danseur africain nous contera ce spectacle. Teinté par la douleur, le racisme, l’homophobie et une atteinte aux libertés. Sur des musiques intenses et prenantes entre Mozart et les chants traditionnels Sud-Africains. Nous apprenons à découvrir ceci dans un humour jubilatoire et attendrissant que ce personnage aux multiples facettes et expressions nous transmet.
Tout au long du spectacle la vidéo est omniprésente. Elle crée un double avec le jeu du comédien, elle l’intensifie. Focalise sur des détails que l’on ne voit pas forcément, communique et transmet une vision, une pensée, de l’humour.
Le spectateur a alors deux regards : celui qui se pose au centre de la scène sur le comédien et celui sur le mur avec la vidéo. Cette mise en scène oblige le spectateur à porter l’œil et l’intention sur les deux actions qui se déroulent en même temps. La vidéo produit une forme de réfléchissement, pour nous public, de façon à être à la fois dans notre rôle de spectateur mais aussi convié avec le comédien à devenir objet du spectacle, dans un seul et même regard d’une prise de conscience collective.
Exécutant une irréprochable performance technique, ce danseur nous véhicule par son spectacle une ode à la vie, un cri du cœur, qui évoque la fierté de ses racines et la colère d’une culture bafouée, exploitée. Mais aussi un regard, un questionnement qui demeure sur l’intolérance à la différence.
Un spectacle important, pour secouer le monde. Un combat en continu, qui tend vers une éducation et un espoir ouverture pour les générations futures.
Maëlys Bottura
Pour les curieux, le DMA costumier de Toulouse anime également son propre blog.
*DMA : Diplôme des Métiers des Arts