Comment est né le projet Lenga d’Òc Calling ?
Ce projet est né d'une demande de Nicolas Sarris de penser un concert à partir de mon solo Tal Coal, en hommage aux Folk Songs de Luciano Berio. J’avais vu la chanteuse Angèle Chemin, pas encore professionnelle à l'époque, chanter ces Folk Songs de Berio au festival des Arcs en 2009 avec Annaëlle Tourret à la harpe. J'avais un souvenir fort de la sonorité de cet orchestre de chambre, de comment Berio a une écriture spatiale du son, comme de la lumière dans un théâtre bucolique. Après avoir moi-même cheminer depuis presque 10 ans à l'écoute de collectages de musiques traditionnelles du Béarn, d'Aveyron ou du Limousin, j’ai réécouté cette oeuvre de Berio. Aujourd'hui j’ai l’impression qu'il n’y a pas saisi la richesse de la musique traditionnelle d'Auvergne et du Quercy. Le squelette de bourrée qu'il fait chanter à une chanteuse lyrique sonne pour moi comme un succédané insipide de bourrée. Pour sa défense, Berio n avait certainement pas accès comme nous aujourd'hui aux sources patrimoniales. C’est pourquoi il est intéressant aujourd'hui de pouvoir répondre à Berio en ayant pu vivre la bourrée à travers son revivalisme et sa réinterprétation par des personnes engagées dans une approche à la fois anthropologique rigoureuse et d'éducation populaire, je parle ici par exemple de l'association Les Brayauds à St Bonnet-près-Riom en Auvergne.
Comment avez-vous choisi de travailler ensemble ? Quelles ont été les différentes étapes ?
J’ai choisi Perrine Bourel et Noellie Nioulou, qui font respectivement partie de La Novià et de La Crue, moimême faisant partie de la compagnie Hart Brut. Elles ont une connaissance bien meilleure que moi des musiques traditionnelles notamment de la bourrée d'Auvergne, du Limousin et du Rigodon. Je les avais entendues jouer chacune en solo et je connais leur capacité à improviser et à entrer dans la matière
des musiques traditionnelles pour y faire des expérimentations sonores. Elles ont en outre chacune un son très personnel, aussi bien instrumental que vocal, et c’est cette singularité qui m'émeut. Ainsi que le fait qu'elles puissent mettre leur technicité au service de leur expression singulière.
Nous avons été accueillies en novembre 2024 en résidence au Centre de Création de Pau (nommé Cerc). J’ai bénéficié de deux semaines de résidence d'écriture auparavant pour préparer cette résidence. Je suis en charge de la direction artistique c’est-à-dire que je définis quels collectages, je propose de travailler sur un fragment de Bach qui évoque la Bourrée ou bien sur un nouvel arrangement de la chanson Black is the Color, déjà arrangée par Berio. Je définis des points de départ et des structures sur lesquels appuyer nos improvisations, qu'elles soient instrumentales et/ou vocales.
En quelques mots comment pourrais-tu décrire Lenga d’Òc Calling ?
Lenga d'òc Calling est un concert pour deux violons, alto, violoncelle et trois voix qui expérimentent à partir de matériaux politiquement sensibles, une bourrée d'Auvergne, un poème d'Audre Lorde, une chanson des Appalaches d'origine écossaise reprise par Nina Simone dans les années 60. Nous nous mettons à l’écoute de ces matériaux pour ensuite en transmettre une manière d'être au monde, une manière de faire de la musique ensemble.
Entretien avec Maud Herrera par Pauline Lattaque,
janvier 2025 pour le théâtre Garonne