05 > 06 février

À l'ouest

Dossier de presse

À l'ouest

Olivia Grandville

"Frapper le sol avec les pieds, frapper la terre sacrée, communiquer avec les esprits, faire résonner le corps et la terre pour dire son existence au monde, sa résistance, sa rébellion, taper à réveiller les morts. Taper comme des sourds, espérer les fantômes, faire vibrer, secouer notre matière vivante, faire rempart à la mort embusquée, scander nos vies minuscules." Olivia Grandville

Olivia Grandville met le cap vers l’ouest à la rencontre de la musique et de la danse amérindiennes. C’est par le biais de Moondog qu’elle entreprend un travail de recherche sur les pulsations caractéristiques de ces musiques traditionnelles… Battements, vibrations, secousses… Les corps et sons scandent à l’unisson le pow wow et font résonner ce qui abrite la ritualité de ces peuples autochtones. Le tout est alors de battre le sol jusqu’à l’épuisement et d’investir le plateau comme un espace sacré. La chorégraphe contourne l’appropriation culturelle et affirme que c’est une culture toujours vivante malgré le génocide. Elle interroge à travers la dimension sociale, militante et mystique le rapport à la spiritualité des sociétés désacralisées et fait part de sa propre nécessité de danser en s’inspirant de cette forme à la fois très libre et codée.

Contact Presse

Bénédicte Namont
b.namont@theatregaronne.com
+33 (0)5 62 48 56 52

Assistée de Pauline Lattaque
p.lattaque@theatregaronne.com

Danse
5 > 6 Février
mar 5 fév / 20:00
théâtre Garonne

durée 1h
présenté avec La Place de la Danse – CDCN Toulouse / Occitanie, Festival Ici&là et dans le cadre de la saison Moondog
de 10 à 25 €
À l'ouest

"Il s’agit de soulever une énergie de la terre, de se soulever. C’est aussi mon désir de danseuse, continuer de se mettre en mouvement, soulever la gravité des choses, scander ma verticalité." Olivia Grandville

Note d'intention

En amont de ce projet : un regard étranger, un voyage initiatique dans les pas du compositeur Moondog, au coeur des réserves autochtones du Canada et d’Amérique du Nord.
Un prétexte pour aller à la rencontre de la culture Amérindienne, un fantasme d’enfant resté vivace à l’âge adulte, une histoire à la fois fascinante et culpabilisante. Une histoire finalement au coeur de notre affolante actualité. Objectif : partager l’expérience de cette pulsation fondatrice et ce qu’elle continue d’incarner pour ces populations : l’affirmation d’une culture toujours vivante malgré le génocide, un coeur révolutionnaire et spirituel qui continue de battre à contretemps de l’occident.
Au-delà de cette rencontre, la question du déplacement, géographique, culturel, artistique, personnel, pour peut-être aussi interroger nos propres fondations, marges et avant gardes. Un motif récurrent celui de la pulsation et de sa répétition. Une tentative de révéler en quoi ce battement du coeur, des corps, et du monde est aussi le nôtre.
Et puis un peuple qui n’a jamais pris à la nature plus que ce qu’elle pouvait lui donner et qui continue de défendre aujourd’hui ces valeurs dans l’Amérique de Trump, un peuple qui, un jour, à imaginer vaincre des cavaleries entières de soldat surarmés en dansant jour et nuit, ça me parle et ça devrait nous parlez à tous. C’est qui les nouveaux indiens ?

Extrait de "journal d'amériques"

Mai 1916, naissance de Louis Thomas Harding fils de pasteur, son père s'appelle également Louis Thomas Harding, il est missionnaire dans les réserves indiennes du Minnesota. C'est comme cela qu’il assiste enfant à une Danse du soleil, frappe le tambour du Pow wow et se prend de passion pour le rythme, jusqu'à devenir Moondog, le viking de la sixième avenue.

Mai 2016. Dans les pas de Moondog, je décide d’organiser le voyage dont je rêve depuis l'âge de 7 ans, traverser les grandes eaux, aller rencontrer la culture Amérindienne.

Été 2016, on n’a jamais autant parlé d'eux ; les premières nations occupent Standing Rock contre le tracé du Dakota access pipeline, ils ont planté leurs tipis, dansé la ghost dance sur le lieu même où, 200 ans auparavant, ils s'étaient fait massacrer pour cela. Au mois d'août, l’armée lâche les chiens pour les déloger.... Ils tiennent bon, ils gagnent… provisoirement.

Janvier 2017 : Tollé au MoMa, une chorégraphe française propose une performance où elle porte une coiffe indienne, énorme polémique autour de la question de l'appropriation culturelle.

Février 2017 : La compagnie achète les billets.

30 Mars 2017 : départ. 

À l'ouest

Pulse : le pouls, mais aussi un signal périodique résultant de la rotation rapide des astres et qui produit un effet de phare, dans les deux cas, un signal vital.

« Il est indispensable qu’il y ait au moins un tambour dans un pow-wow. Le tambour, en effet, est la raison d’être de la cérémonie. Sans lui il n’y aurait ni cercle, ni danse, ni chant. Il est d’ailleurs souvent appelé le « battement de coeur » du peuple, et on le conçoit comme le centre et point focal du pow-wow dans son aspect spatial, conceptuel, historique, musical, ainsi que spirituel. Les tambours sont effectivement des êtres vivants pour les participants, le rythme du tambour crée un espace-temps d’une qualité différente, il est comme une force de gravitation Peut-être les bords de cet espace sacré s’étendent seulement aussi loin que l’on peut encore en entendre le rythme »

Le tambour du pow-wow nord-américain, battement du coeur d’un peuple et rythme de sa spiritualité, Johanna Hoffmann

 

Lorsque l’on parle de temps, nous décrivons ce que nous pouvons ici mesurer, là nommer, ailleurs comprendre. Étendre la perception et s’arrêter au-delà des musiques métriques, nous permet d’aborder un tout autre point de vue, qui, non content d’extraire le temps de sa fixation lui rappelle qu’il se concentre autant dans la durée que dans les micro-silences qui le composent. La Pulsation, de son pas premier dans les traditions des Pygmées Bybayiak ou Aka, à sa forme brute et collective dans la tradition des tambours des Indiens d’Amérique du Nord, en passant par sa régularité étirée dans le Tâl d’Inde du Nord ou sa modification d’espaces dans le Dikhr (Zikr) Egyptien et soufi, nous permet d’imaginer son absence par le plus petit silence qui sépare(rait) deux battements. Plus qu’un outil de composition ou la forme fascinante qu’elle développe, la pulsation interroge sur le devenir rythmique en son centre, « la différence et la répétition ».

Alexis Degrenier, percussion et vielle à roue dans À l'ouest

À l'ouestPresse

Pow-Women

Olivia Grandville bonifie tout ce qu’elle touche, musique, poésie, danse. Ou les trois à la fois, comme dans sa nouvelle création, À l’Ouest, spectacle magnifique découvert en décembre 2017 aux Inaccoutumés.
 

Marie-Thérèse a heureusement sorti son auto du garage. Celui-ci est donc vide, ou presque. Une demi-sphère métallique de près de quatre mètres de diamètre, abri de fortune en forme d’igloo, squatte pour le moment le centre du hangar. Une télé allumée dans l’âtre du polyèdre diffuse en continu des travellings de lacs, de chutes et de cours d’eau. Un individu, côté cour, ne cesse, du début, c’est-à-dire dès avant notre entrée, de toper la peau d’un tambour qui ne lui a pourtant rien fait. Il a pour nom Alexis Degrenier. Une voix féminine et mondaine s’élève côté jardin, du haut des gradins, qui retrace une bataille perdue par un général français contre un de ceux d’Albion, il y a de ça des siècles, en terre amérindienne. Une autre, émise juste derrière nous, dit une enfance de métisse algonquine. Elle évoque également les danses de hautes herbes.
Un sms s’affiche sur le mur du fond, résumant la note d’intention de la chorégraphe – une « recherche sur les danses et les musiques natives » –, suivi de l’immédiate réponse d’un(e) certain(e) Isra. Entrent, l’une puis l’autre, de tous côtés possibles, les membres d’un quatuor qui ne nous faussera plus compagnie durant l’heure de cet inusuel rite. Leur arrivée survient de manière légère, toutes mêmement vêtues de tuniques sombres à franges conçues par Eric Martin. Leurs visages sont masqués de casquettes-cagoules de chasseurs ou chasseresses. Leurs extrémités sont couvertes de gants de jardin ostensibles et de courtes bottes qui produisent des crissements sur la neige, du moins c’est ce que suggère la musique concrète de Jonathan Kingsley Seilman. De gracieux bonds et rebonds marquent les coups de tampon du collègue tambourinaire.
Après en avoir fait le siège le temps qu’il faut, les danseuses recouvrent l’armature en fer de bâches plastiques se trouvant là par hasard et forment une toiture semi-translucide (ou à moitié opaque) qui rend la tente étanche et habitable telle une cabane au Canada. Des sons électroniques sortent d’un antique Moog. Puis, on passe aux choses sérieuses. Autrement dit, à la danse. Un mouvement perpétué par elles, qu’elles soient de nous toutes visibles ou non – certaines devront ou pourront se situer hors du champ, cachées par la butte –, des regroupements par affinités – en trio ou en couple(s). Des gestes simples d’apparence : de grandes enjambées fixant le territoire, des chassés et des frappes du talon, des glissés arrière. Et une fois les petons mis à nu, des marches paisibles, des voltes en divers sens, des velléités de derviches, des sautillements de boxeurs sans ring, d’amples moulinets de bras, de défilés de modes futures ou passées, de déploiement de Crows se profilant en contrejour, des pauses et des suspensions, des ralentis ouateux, des figures au sol au bout de l’épuisante série...
Chacune a droit à son solo. La variation de Lucie Collardeau est intense et plutôt brève. Celle d’Olivia Grandville, plus posée. Tatiana Julien fait dans la techno. La prestation de Clémence Gaillard conclura la pièce spectaculairement. Les danses indiennes sont actualisées ou, ce qui revient au même, abstraites de leur contexte et de leur objet. Olivia Grandville a fait avec. Et uniquement avec. Elle les a stylisées à sa manière, unique, est partie du fancy (du tracé des points cardinaux) pour aller au chicken iroquois (bras pliés, genoux fléchis, tête hochée), en passant par le grass annoncé supra (le tassement symbolique d’une herbe non fauchée). Tandis que s’annonce la transe par des signaux ne trompant pas – tintement de cloche mimée par la cymbale, crescendo du volume jusqu’au fortissimo, accélération des événements sonores et visuels –, apparaît la silhouette gigantesque, inquiétante de Clémence cuirassée comme un samouraï. Le sport local du hockey sur glace dont elle feint de jouer la goal la transforme en sculpture futuriste. Elle incarne alors pour nous le bronze de Boccioni, Forme uniche della continuità nello spazio (1913).

Par Nicolas Villodre, Mouvement

Portrait

De formation classique, Olivia Grandville démissionne de l'Opéra de Paris pour intégrer la compagnie Bagouet en 1988. Depuis une vingtaine d’année, elle développe ses propres projets, articulés pour beaucoup autour de la question du langage et du phrasé, qu’il soit musical, verbal ou chorégraphique. En 2010, elle crée Une semaine d’art en Avignon avec Léone Nogarède et Catherine Legrand, dans le cadre des Sujets à Vif puis Le Cabaret discrépant. Durant la saison 2013-2014, elle crée plusieurs formes solo, puis renoue avec de plus grandes formes : Foules est créée en 2015 et préfigure la pièce suivante, Combat de Carnaval et Carême.