26 janvier > 3 février 2018

A nous deux maintenant

G. BERNANOS / J. CAPDEVIELLE

À nous deux maintenant

Jonathan Capdevielle

Le juge à l’inspecteur : « Vous arrive-t-il de faire des rêves, (…) de vrais rêves, des rêves dont la logique et la vraisemblance sont telles qu’ils semblent se prolonger au-delà, prennent leur place dans nos souvenirs, appartiennent à notre passé ? »
Extrait de « Un Crime », Georges Bernanos, 1935

« L’habit ne fait pas le moine » voici l’expression qui vient à l’esprit à la lecture d’Un crime de Georges Bernanos. Un roman policier – ovni dans son oeuvre - dont Jonathan Capdevielle s’est inspiré pour cette nouvelle création. Un jeune prêtre débarque dans le presbytère d’une bourgade des montagnes – là où rien ne se passe jamais. S’ensuit une série de sombres événements qu’un juge d’instruction désemparé va tenter d’élucider.
Tous suivent les conseils et remarques de l’ecclésiaste dont la présence fascine et questionne. Il se pourrait que la soutane dissimule une étrange vérité, insoupçonnable.
L’écriture de Bernanos déploie une atmosphère surnaturelle qui pénètre le réalisme des situations et déracine le roman policier. Les personnages s’érigent comme des figures fantasmées et ambigües à travers lesquelles se dessinent des paysages intérieurs tourmentés. Jonathan Capdevielle s’attaque à une oeuvre complexe qui met en dialogue la religion et la justice et questionne la présence du mal en s’extirpant de la morale chrétienne. Nul doute, ça lui ira à merveille – tant son travail se situe à la lisière de la réalité, du rêve et défend le droit à l’existence. Il convoque ses souvenirs et réinvente son histoire familiale dans l’autofiction : cette bourgade s’apparenterait alors aux reliefs tarbais…
« À nous deux maintenant » fait écho à la célèbre formule de Rastignac, personnage de Balzac à la fin du roman Le Père Goriot. Mais elle sonne aussi comme la bravade d’un artiste qui prend le texte et le monde à bras-le-corps !

Jonathan Capdevielle est né en 1976 à Tarbes. Après ses études de théâtre au lycée de Tarbes entre 1993 et 1996, il intègre l’École supérieure Nationale des arts de la marionnette. Il collabore avec Gisèle Vienne. En février 2015, Jonathan Capdevielle crée Saga, présenté au théâtre Garonne et repris en 2017 avec son premier solo Adishatz. Jonathan Capdevielle est artiste associé au théâtre Garonne.

Théâtre
26 Janvier > 3 Février
ven 26 jan / 20:30sam 27 jan / 20:30mer 31 jan / 20:00jeu 1 fév / 20:00ven 2 fév / 20:30sam 3 fév / 20:30
théâtre Garonne

durée 3h sans entracte
Coproduction / Compagnie associée / spectacle présenté avec Le Théâtre Sorano
de 10 à 25 €
À nous deux maintenantGénérique

Conception, adaptation et mise en scène Jonathan Capdevielle
Interprétation Clémentine Baert, Jonathan Capdevielle, Dimitri Doré, Jonathan Drillet, Arthur B. Gillette (en alternance avec Jennifer Hutt), Michèle Gurtner
Conseiller artistique - Assistant à la mise en scène Jonathan Drillet
Conception et réalisation de la scénographie Nadia Lauro
Construction scénographie Les ateliers de Nanterre-Amandiers – Marie Maresca, Michel Arnould, Gabriel Baca, Théodore Bailly, Mickaël Leblond
Création Lumières Patrick Riou assisté de David Goualou
Création sonore et musicale Vanessa Court, Arthur B. Gillette, Jennifer Hutt, Manuel Poletti
Composition musicale Arthur B. Gillette
Régie son Vanessa Court
Collaboration informatique musicale IRCAM Manuel Poletti
Synthétiseur Modulaire Ray imaginé et construit par Benoit Guivarc'h avec les circuits de Ray Wilson
Costumes Colombe Lauriot Prévost
Régie générale Jérôme Masson
Regard extérieur Virginie Hammel
Production, diffusion, administration Fabrik Cassiopée –Isabelle Morel, Manon Crochemore & Romane Roussel
Remerciements Safia Benhaim, Marie Etchegoyen, Lundja Gillette, Laurence Viallet
Production déléguée Association Poppydog
Coproduction Le Quai, Centre Dramatique National – Angers Pays de la Loire / Nanterre – Amandiers, CDN (FR) / Festival d’Automne à Paris (FR) / CDN Orléans (FR) / manège, scène nationale-reims (FR) / Théâtre Garonne, scène européenne Toulouse (FR) / L’Arsenic – Lausanne (CH) / Le Parvis scène nationale Tarbes Pyrénées (FR) / Ircam-Centre Pompidou – Paris (FR)
Avec le soutien de King’s Fountain
Avec l’aide du CND – Pantin, de la Villette – Résidence d’artistes 2016, du Quartz, scène nationale de Brest, et de Montévidéo, Créations Contemporaines - Atelier de Fabrique Artistique.

D’après le roman Un crime de Georges Bernanos
Création le 6 novembre 2017 au théâtre LE QUAI CDN Angers Pays de la Loire

Jonathan Capdevielle est artiste associé au théâtre LE QUAI CDN Angers Pays de la Loire et au théâtre Garonne
L’association Poppydog est soutenue par la DRAC Ile-de-France au titre de l’aide à la structuration
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À nous deux maintenantA nous deux maintenant

« Qu’est ce donc qu’ Un Crime ? Un roman policier, certes, qui obéit à un certain nombre d’exigences du genre, mais un roman policier manqué, dans une certaine mesure puisqu’il ne parvient pas à répondre totalement aux impératifs de vraisemblance et de cohérence réalistes propre à ce même genre. Pourquoi cette incapacité ? Précisément par ce que « le rêve intérieur » a plus de force que toutes les contraintes génériques et finit par faire éclater les digues de la droite raison pour laisser déferler le flot de l’imagination créatrice. »

Notice à propos d’Un Crime, La Pléiade, Elisabeth Laganec-Sadoulet, 2015.

En 2008, j’ai participé en tant qu’interprète à une fiction radiophonique de France Culture, réalisée par Jean Couturier. Il s’agissait d’une adaptation du roman policier « Un Crime », de Georges Bernanos. J’interprétais alors le rôle du curé de Mégère. A l'époque, j'avais été très frappé par cette œuvre singulière qui traite avec humour noir et émotion la question de l’identité et de la condition humaine.
Je suis natif des Pyrénées, près de Lourdes. J’ai passé mon enfance et mon adolescence dans un village de province. Je me suis frotté dès le plus jeune âge à ces personnages parfois emblématiques de la campagne, à leur franc-parler, à leurs traditions. Enfant, je garde le souvenir d’avoir été fasciné par la figure impénétrable du prêtre, que j’observais à l’occasion des mariages et des enterrements ou lorsqu’ils déambulaient en nombre dans les rues de Lourdes durant les pèlerinages du mois d’août. J’ai encore en moi ces atmosphères, ces images ; ce rapport tendre et difficile à l’arrière-pays résonne dans mon travail qui s’articule autour de l’auto-fiction.
Georges Bernanos décortique avec minutie le caractère particulier de ces territoires isolés et la personnalité de ces villageois. C’est un personnage atypique qui est au centre de l’intrigue, une femme à la mission mortifère qui se cache sous l’habit de dieu et qui agit aux antipodes des principes et des valeurs que prône la religion catholique. L’auteur diffuse sa pensée par la voix du narrateur et celle des différents personnages qui gravitent autour du curé. Quitte à le perdre, il laisse le lecteur libre de mener l’enquête aussi complexe et impossible soit-elle.
Le curé de Mégère, interprété par cette femme, exerce un étrange pouvoir de séduction et de persuasion provoquant ainsi une sorte de chaos dans une organisation aux apparences solides. Les histoires personnelles et les failles de chacun des protagonistes sont révélées et leurs sentiments exacerbés. Je pense par exemple à ce jeune orphelin qui se prend d’affection pour la figure ambigüe de l’adulte travesti et entretient avec lui une relation tendre et cruelle, une confiance presque maternelle qui le pousse à agir dangereusement.
En manipulant la symbolique religieuse et ses icônes, Georges Bernanos invente une enquête policière originale qui manie l’étrangeté, le fantasme et l’effroi tout en préservant un cadre complexe dans lequel les sentiments humains restent ancrés dans le réel.
Je souhaite mettre en scène le jeu de rôle de cette jeune femme travestie à la personnalité trouble et attachante. Une héroïne tragique qui tire les fils d’un scénario empirique et qui provoque chez les autres la confusion des sentiments. Je souhaite que les acteurs naviguent dans ce labyrinthe « Bernanosien » en travaillant sur la multiplication des rôles joués et les différentes qualités d’interprétation du texte, qui oscillerai entre réalisme et exaltation. J’aime que les personnages soient par moment traversés par des chocs émotionnels intenses et que la frontière entre la réalité, le rêve ou le cauchemar devienne ténue. Je travaillerai également sur le corps et le mouvement des interprètes au plateau. Georges Bernanos décrit très bien cette énergie physique qui caractérise chacun des personnages du roman.
Bien qu’écrit en 1935, ce roman qui flirte avec le fantastique, déploie des thématiques et des tabous intemporels, qui aujourd’hui encore peuvent poser des questionnements profonds dans le cadre du spectacle vivant.
A mon sens, « Un crime » porte un discours à la fois intime et universel et interroge la religion de manière originale. L’ambivalence et l’homosexualité sous-entendues créent le trouble, et l’habit ici ne fait pas le moine. L’auteur nous invite à emprunter des chemins de réflexions de plus en plus troublants, à sortir des sentiers battus de la morale chrétienne. En interrogeant le fonctionnement des différents pouvoirs, le roman met en exergue les préjugés coriaces d’une société contemporaine qui veut tendre vers une certaine normalité.
Il me paraît important de restituer les différents lieux où se déroule l'action, les espaces du dedans et du dehors. Ils agissent sur l'intensité des scènes qui se jouent dans le sens ou ils conditionnent le comportement, l’état physique et mental des personnages. La chambre est souvent le lieu de l'intime, de la confession, de la réflexion, du rêve, du cauchemar, de la maladie et de la mort.
Les lieux extérieurs, comme la campagne, représentent une sorte d'échappée sauvage, dont le climat qui oscille entre mauvais temps, orages et éclaircies, accentue la couleur sombre et romantique des situations et des drames qui se jouent. A la différence du huis clos, la nature a cette capacité à favoriser l’introspection. Afin de révéler les scènes extérieures, je veux créer un mouvement entre celles jouées au plateau et leur continuité hors champs.
Pour mettre en scène ces différents espaces, une scénographie sera créée par la plasticienne Nadia Lauro. Par ailleurs, un travail conséquent sur le son et la lumière sera mis en oeuvre afin que le public puisse visualiser le dedans ou s’imaginer le dehors et par un effet de zoom, être le témoin privilégié de l’intimité des personnages.

Jonathan Capdevielle (Avril 2016)

A nous deux maintenantPortrait

Jonathan Capdevielle est né en 1976 à Tarbes en France et vit à Paris. Formé à l’École supérieure Nationale des arts de la marionnette, Jonathan Capdevielle est un artiste hors norme, acteur, marionnettiste, ventriloque, danseur, chanteur.
Il a participé à plusieurs créations, dont, entres autres : Personnage à réactiver, oeuvre de Pierre Joseph (1994), Performance, avec Claude Wampler (1999), Mickey la Torche, de Natacha de Pontcharra, traduction Taoufik Jebali, mise en scène Lotfi achour, Tunis, (2000), Les Parieurs et Blonde Unfuckingbelievable Blond, mise en scène Marielle Pinsard (2002), Le Golem, mise en scène David Girondin Moab (2004), Le groupe St Augustin, Le Dispariteur, Monsieur Villovitch, Hamlet et Marseille Massacre (atelier de création radiophonique - France Culture), mise en scène d’Yves-Noël Genod (2004-2010), Bodies in the cellar, mise en scène de Vincent Thomasset (Mars 2013). Au cinéma, il interprète le rôle de Nicolas dans le film Boys like us, réalisé par Patrick Chiha (sortie en septembre 2014).
Collaborateur de Gisèle Vienne depuis ses premières mises en scènes, il est interprète au sein de presque toutes ses pièces ; dans celles réalisées par Étienne Bideau Rey et Gisèle Vienne : Splendid’s de Jean Genet, Showroomdummies (création 2001 et re-écriture 2009) et Stéréotypie, et dans celles mises en scène par Gisèle Vienne I Apologize, Une belle enfant blonde / A young, beautiful blonde girl, Kindertotenlieder, Jerk, pièce radiophonique, Jerk, solo pour un marionnettiste, Éternelle idole, This is how you will disappear (création 2010) et The Ventriloquists Convention (création 2015). Gisèle Vienne, Dennis Cooper, Peter Rehberg et Jonathan Capdevielle publient en 2011 un livre + CD : Jerk / À TRAVERS LEURS LARMES aux éditions DISVOIR dans la série ZagZig en deux éditions, française et anglaise.
Il crée en 2007 la performance-tour de chant Jonathan Covering au Festival Tanz im august à Berlin, point de départ de sa pièce Adishatz/Adieu, créée en janvier 2010 au festival "C’est de la Danse Contemporaine" du Centre de Développement Chorégraphique Toulouse / Midi Pyrénées. Il répond ensuite à deux invitations. En novembre 2011, il présente Popydog, créé en collaboration avec Marlène Saldana au Centre National de la Danse – Pantin et en août 2012, sur une proposition du festival far° - festival des arts vivants de Nyon (Suisse), il propose Spring Rolle, un projet in situ avec Jean-Luc Verna et Marlène Saldana.
Avec Saga, sa dernière création (février 2015), Jonathan Capdevielle ouvre un nouveau chapitre du récit autobiographique en travaillant sur des épisodes du Roman familial, avec ses personnages emblématiques et ses rebondissements. Une exploration des frontières entre fiction et réalité, entre présent et passé.