Chers

Chers

Kaori Ito

« Ce ne sont pas les morts que la présence des fantômes ressuscite. C’est la mémoire des vivants. »
Saeko Kimura

Dans la culture japonaise, une myriade d’esprits évolue dans un univers parallèle, miroir du nôtre : ceux des forces de la nature, des objets, des maisons, ceux des morts qui n’ont pas réglé tous leurs comptes avec les vivants. Volontiers facétieux, ils protègent qui les honore et sèment le chaos là où on les ignore. Kaori Ito, poursuivant son exploration de l’intime en dialogue avec l’invisible, a demandé à ses six danseurs d’écrire des lettres à leurs chers disparus : Cher Pierre… Cher Papi… Chère Mylène… Chers esprits à la lisière des deux mondes, vous voici dès lors convoqués sur le plateau vide, prompt à vous voir émerger. Feux follets filant dans le vent, encore couverts de vos cendres, venez revivre votre drame. Apparitions échappées du théâtre nô, procédez à la cérémonie du deuil en dansant la vie à corps perdu. Et célébrez son cycle : le vide laissé par la perte n’est-il pas la condition même de l’invention du vivant ? Après une trilogie puisant dans sa propre intimité, Kaori Ito désire transmettre : elle échange ainsi corps et âme avec la comédienne et réalisatrice franco-anglaise Delphine Lanson. Une transsubstantiation en forme de prière collective, où l’on retrouve son langage instinctuel ainsi que son humour. Les angoisses existentielles se muent alors en énergie vitale dans une danse explosive adressée à tous les publics.

Danse
9 > 15 Octobre
ven 9 oct / 20:00sam 10 oct / 20:00mar 13 oct / 20:00mer 14 oct / 20:00jeu 15 oct / 20:00

durée 1h (environ)
Création / Coproduction
Tarifs de 10€ à 25€
ChersNote d'intention

« Dans mon travail, j’essaye de donner corps aux choses invisibles, pour les rendre visibles. Avec ce projet, je crois que j’aimerais parler de La perte. J’aime la beauté qui n’a pas de forme et qui est un acte nécessaire d’expression du corps. »
Kaori Ito

J’ai commencé par écrire des lettres aux gens qui sont morts, comme si on pouvait continuer de parler avec eux. Au Japon, on vit avec les fantômes et nos ancêtres et on peut continuer de se parler. Ensuite, on s’est échangé des lettres avec Delphine. Elle a perdu beaucoup d’amis autour d’elle. Je me retrouve dans son écriture car elle dégage une force de vie et un sens de l'humour de ces drames. Dans ces lettres, émerge aussi le fait que l’on pardonne et ne garde en mémoire que des souvenirs doux des morts, tandis qu’on se sent encore mal avec les vivants. Ce « Pardon » est une manière d’accepter la mort et de garder une distance par rapport à la vie. J’aimerais aussi que Delphine danse comme moi, avec son corps généreux et ses cheveux blonds. Elle est l’opposé de moi de l'extérieur mais très proche de l'intérieur. Elle est une femme libre. Elle va danser, parler et chanter avec cinq autres danseurs en travaillant une danse d’esprits dans une énergie explosive. Nous allons danser pour parler avec ces personnes qui sont parties, avec nos fantômes, nos invisibles. Après la trilogie sur ma propre intimité, j’ai envie d’aller chercher l’intime chez les autres, de la mettre en lumière. J’aimerais travailler avec 5 danseurs jeunes mais puissants sur une énergie suicidaire, comme s’ils allaient finir leur vie à n’importe quel moment, comme des esprits qui volent partout pour essayer de compenser cette « perte » de la personne. Ça doit être une danse très intense comme s’ils dansaient pour mourir. Chaque danseur et Delphine a écrit des lettres à des personnes qui sont perdues. Dans ces lettres, chacun a sa propre manière de parler, de s’adresser aux morts qui vivent en eux. J’ai été très étonnée par la sérénité de ces interprètes. Je suis surprise par eux et ces échanges sont très intenses et inspirants pour moi. Ces lettres deviennent une seule lettre, comme une seule voix, ensemble d’humanité qui parle d’invisible.

Kaori Ito

ChersExtraits de lettres

Chère famille,
De magnifiques pensées depuis Paris !
Je suis triste de n'avoir pas pu rendre un dernier hommage à ton mari, votre papa, mon papi.
Je ne le vis pas mal, je ne le vis pas bien, juste je le vis, en comprenant sans comprendre ces mystères de la vie. Les couleurs changent, les âmes des gens changent. Et je me questionne "mais pourquoi je ne l'ai pas vu avant, pourquoi je n'ai pas agi de la sorte plus tôt, plus de démonstration, plus d'empathie, plus de compréhension, plus d'honnêteté aussi dans le bon comme dans le mauvais". Mais la vie continue et nous, nous sommes encore là, à nous battre contre une force qui nous dépasse nous faisant à la fois du mal comme du bien. Alors dans ce laps de temps sur terre, profitons grandement les uns des autres car il n'y a qu'avec vous, qu'avec ma famille que je me sens proche de moi. Je vous aime je crois d'un amour inconditionnel que moi-même je ne comprends pas, mais qui me fait du bien. Je vous aime de tout mon coeur, sachez-le !
Marvin

 

Cher Pierre,
Tu étais venu me voir quand j’étais à l’école de théâtre à Londres. Tu te souviens que tu étais fâché ? parce que je n’avais pas assez de temps à te consacrer ? Tu me disais avec la plus grande gravité qu’on ne sait pas combien de temps on a et qu’il faut le passer avec les gens qui comptent. Comme si tu savais. Et moi dans l’insouciance de mes dix-neuf ans, et parce que tu es fantasque, je n’ai pas réussi à te prendre au sérieux. Je ne t’ai jamais revu vivant. La fois d’après c’était au Père-Lachaise le jour de ta crémation. Tu avais été emporté soudainement, à peine deux mois après ta venue à Londres, par une rupture d’anévrisme. En pleine croissance de ta conscience tu es parti pour un voyage dont je ne sais rien.
Je n’ai pas réussi à être triste. Sauf pour ta mère, effondrée.
Je crois que tu savais. Et c’est comme si je pouvais encore sentir la vitalité de ta présence.
Aujourd’hui encore. J’aurais aimé connaître l’homme que tu serais devenu. Mais j’aime cette mémoire de toi toujours jeune. C’est comme si tu avais choisi parce que tu ne te sentais pas tout à fait de ce monde ci.
Delphine

Portrait

Imprégnée de culture japonaise et formée à la danse occidentale, Kaori Ito a développé un vocabulaire hybride et singulier qui lui ressemble. A la croisée des cultures et des langues, elle s’intéresse aux non-dits et à l’invisible. Proche de la danse théâtre, elle part de son vécu et de celui des interprètes pour faire surgir une nécessité intime d’être sur scène. Se fiant à l’intelligence corporelle, elle recherche l’immédiateté et l’instinct comme moteur du passage à l’acte. A partir de thématiques essentielles comme les tabous, la fin du monde, la mort, l’amour, la solitude, elle fait émerger des textes bruts et spontanés. De ces mots crus et vifs jaillit le mouvement nécessaire, fulgurant et sauvage qu’elle recherche. Elle travaille un corps qui fait le vide pour accueillir l’émotion du spectateur. Elle accède ainsi à un vocabulaire textuel et chorégraphique qui part de l’intérieur et qui nous interroge sur notre animalité et notre humanité. 

« J’aime la beauté qui n’a pas de forme et qui est un acte nécessaire d’expression du corps. » Kaori Ito

Née au Japon, Kaori Ito étudie le ballet classique dès l’âge de 5 ans. A 20 ans, elle part à New York pour intégrer la section danse de l’Université́ Purchase. De retour à Tokyo, elle obtient un diplôme de sociologie et décroche une bourse pour retourner a  New York dans le cadre du Programme d’Études Internationales pour les artistes du gouvernement japonais. Elle étudie à l’Alvin Ailey Dance Theater. Dès 2003, elle tient le premier rôle dans la création de Philippe Decouflé Iris. Elle intègre le Ballet Preljocaj pour Les 4 saisons. En 2006, elle danse dans Au revoir Parapluie de James Thierrée et collabore avec lui sur Raoul et Tabac Rouge. Elle assiste ensuite Sidi Larbi Cherkaoui pour le film Le bruit des gens autour avec Léa Drucker et devient soliste dans l’opéra de Guy Cassiers House of the sleeping beauties. En 2008, elle crée son premier spectacle, Noctiluque, à Vidy-Lausanne. En 2009, elle présente sa deuxième création, Solos, au Merlan à Marseille. Ce spectacle sera recréé pour la biennale de Lyon en 2012. Island of no memories naît en 2010 lors du concours (Re)connaissance. Il obtient le 1er prix et est sélectionné pour le programme Modul-Dance du réseau EDN. En 2012, Aurélien Bory lui consacre un portrait avec Plexus, dont elle cosigne la chorégraphie. Après avoir dansé avec Alain Platel dans Out of Context, Kaori Ito crée Asobi, produit par Les Ballets C de la B. En 2014, elle crée La Religieuse à la fraise avec Olivier Martin-Salvan dans le cadre des Sujets à vif au Festival d’Avignon. Entre 2015 et 2018, elle développe un cycle de création qui a donné naissance à une trilogie de l'intime Je danse parce que je me méfie des mots (duo avec son père – 2015), Embrase-Moi (performance avec son compagnon - 2017) et Robot, l’amour éternel (solo sur la solitude et la mort – janvier 2018). Elle reçoit le prix Nouveau talent chorégraphie de la SACD et est nommée chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres. Artiste polymorphe, elle réalise également des vidéos (Carbon Monoxide-2004, The sea is calm-2006, Niccolini-2008 avec James Thierrée, Damien Jalet et Niklas Ek), des peintures, et collabore régulièrement au théâtre avec notamment Edouard Baer et Denis Podalydes pour la Comédie Française (Le Cas Jekyll 2, Le Bourgeois Gentilhomme de Molière, L’homme qui se hait d’Emanuel Bourdieu et Lucrèce Borgia de Victor Hugo). Kaori apparaît également dans Poesía sin fin d’Alejandro Jodorowsky, sorti pour la Quinzaine des réalisateurs à Cannes 2016, dans Ouvert la nuit d’Édouard Baer et dans Luz de Flora Lau au côté d'Isabelle Huppert (sortie en 2019). Pour Japonismes 2018, elle crée Is it worth to save us ? avec l’acteur japonais Mirai Moriyama.

ChersGénérique

direction artistique et chorégraphie Kaori Ito
texte Kaori Ito, Delphine Lanson et les interprètes
collaboration artistique Gabriel Wong
interprètes Marvin Clech, Jon Debande, Nicolas Garsault, Louis Gillard, Delphine Lanson, Leonore Zurfluh
composition François Caffenne
lumière Carlo Bourguignon
aide à la documentation et à la dramaturgie Taïcyr Fadel
production Améla Alihodzic
production Compagnie Himé
coproductions Klap – maison pour la danse Marseille, Mac de Créteil, Centquatre Paris, Les Halles de Schaerbeek Bruxelles, L’Avant-scène Cognac, Théâtre du Fil de l’eau Pantin, L’Agora Boulazac, MA scène nationale Montbelliard, théâtre Garonne Toulouse, Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, scène nationale, Le Plat Toyohashi Japon (en cours)…
avec le soutien du mécénat de la Caisse des Dépôts.
La compagnie Himé reçoit le soutien de la Fondation BNP Paribas pour l’ensemble de ses projets.
La compagnie Himé est soutenue par le Ministère de la culture - DRAC Ile de France, par la Région Ile-de-France et le Département du Val-de-Marne.
Kaori Ito est artiste associée à la Mac de Créteil et au Centquatre à Paris et en compagnonnage artistique avec KLAP Maison pour la danse.

Chers

TOURNÉE
- 02 et 03 octobre | KLAP - Maison pour la danse – MARSEILLE (13)
- 09 au 15 octobre | Théâtre Garonne – TOULOUSE (31)
- 04 au 07 novembre | Le Centquatre – PARIS (75)
- 10 et 11 novembre | Festival TNB // Le Triangle, cité de la danse RENNES (35)
- 20 novembre | Théâtre de Châtillon – CHATILLON (92)
- 26 au 28 novembre | Maison des Arts et de la Culture – CRÉTEIL (94)
- 05 décembre | L’Octogone – PULLY (CH)
- 16 décembre | Théâtre Au fil de l’eau – PANTIN (93)
- 21 janvier | Théâtre du Crochetan – MONTHEY (CH)
- 02 et 03 mars | Théâtre de SAINT- QUENTIN-EN-YVELINES (78)
- 18 mars | L’Agora Pôle national des arts du cirque – BOULAZAC (24)
- 20 mars | L'Avant-scène – COGNAC (16)
- 20 et 21 avril 2021 | Les Halles de Schaerbeek – BRUXELLES (BE)

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