Garonne accueille, du 4 au 14 janvier 2023, cinq propositions artistiques choisies et présentées par Fanny de Chaillé. (Re)découvrez-la à travers son geste artistique, mais aussi à travers celles et ceux qui l'inspirent... Polina Panassenko, Pierre Alferi, Rodolphe Burger, Guillaume Baillart.
Fanny de Chaillé est une metteuse en scène, chorégraphe, et performeuse dont la pratique se nourrit depuis une vingtaine d’années d’une large palette de formes, de langages, de disciplines et d’esthétiques. C’est qu’elle fait partie de ces artistes avides de rencontres, qui se transforment souvent en amitiés fidèles : interprètes, scénographes, écrivain•es, musicien•nes composent ainsi une constellation de connivences, dont elle a voulu en partie rendre compte lorsque nous l’avons conviée à imaginer ces deux semaines de présence à Toulouse. Comme une invitation à parcourir ensemble les multiples complicités qu’entretiennent dans son univers la langue, la scène, la musique, la pensée.
Bienvenue dans la riche constellation de Fanny de Chaillé !
Pièce dont le titre programmatique ouvre des perspectives presque infinies, Une autre histoire du théâtre aborde l’évolution de l’art dramatique par l’entremise de jeunes acteurs et actrices. Faisant sourdre en filigrane les bouleversements du monde, cet abrégé de spectacle vivant couvre uniquement l’âge moderne – des avant-gardes du début du XXe siècle à aujourd’hui, période ô combien riche en expérimentations, mutations et hybridations.
• LA PRESSE EN PARLE :
"La pièce minimaliste de Fanny de Chaillé multiplie les niveaux de lecture, et réussit le tour de force de satisfaire les attentes des spectateurs les plus néophytes comme des plus aguerris."
Anne Diatkine, Libération, le 25/11/22
"La question est simple. Les réponses, vertigineuses. Cette question, on peut la formuler ainsi : en quoi l’histoire du théâtre concerne-t-elle chacun d’entre nous ? La metteuse en scène Fanny de Chaillé y répond avec un spectacle aussi drôle et accessible que brillant et profond, travaillant son sujet dans sa forme même, Une autre histoire du théâtre, qui a fait un tabac tout au long des représentations au Théâtre public de Montreuil (Seine-Saint-Denis), où la pièce a été jouée avant de partir au Théâtre de Chaillot, à Paris, puis en tournée. La grande force du spectacle, c’est la transparence avec laquelle il emboîte différents niveaux de lecture sans jamais prendre le spectateur de haut.(...)"
Fabienne Darge, Le Monde, 30/11/22
"En compagnie de quatre jeunes et talentueux comédiens, Fanny de Chaillé plonge, avec une gourmandise non feinte et une ironie mordante, dans la pratique et la fabrique de l’art dramatique, et dessine un panorama drôle, enlevé et d’une infinie richesse."
Vincent Bousquet, Sceneweb, 21/12/22
RADIO : Fanny de Chaillé, invitée d'Arnaud Laporte dans Affaires Culturelles ( France Culture, 21 novembre 2022), en écoute.
Actrices et autrices, elles ont une passion commune pour la langue et ses possibles. Fanny de Chaillé « traduit » Le Voyage d’hiver de Perec. Polina Panassenko met en voix son premier roman : Tenir sa langue, succès de la rentrée littéraire 2022.
• Le Voyage d'hiver
À l’origine, un texte de George Perec et une idée incongrue : proposer au public de lire le texte original sur un écran tandis que, simultanément, l’interprète lit à haute voix une retranscription intégralement faite de synonymes. Une course folle s’établit de plus en plus rapidement entre les deux versions, jusqu’à sombrer dans une jouissive confusion, qui laisse chacun·e réinventer pour soi-même son propre Voyage d’hiver.
• Tenir sa langue
Quelques voyelles et tout change : elle est née Polina mais à son arrivée en France devient Pauline. Révélation de la rentrée littéraire 2022, ce premier roman raconte comment la conquête d’une langue étrangère est toujours un combat identitaire : Tenir sa langue, et la maintenir face à ceux qui voudraient l’effacer… Pour cette Constellation, l’écrivaine donne voix à son écriture insoumise, tendre et spontanée.
Vidéo de la lecture-performance à Maison de la Poésie en novembre 2022 : en lecture, ici.
LA PRESSE EN PARLE :
"Polina Panassenko a écrit un texte intime, qu’elle a tressé avec une fidélité rare à sa mémoire d’enfant. Un roman des origines et du grandir. Une histoire d’identité, brassée de sonorités. Comment entendre ce que l’on est, comment se retrouver vraiment chez soi, dans le hourvari des langues ? « L’accent est ma langue maternelle », dit-elle, alors qu’elle l’a depuis longtemps perdu. Que peut-on reprendre, retrouver ?(...) Il y a de la joie et de l’étonnement, des chansons, de la rage, des chagrins, des deuils, tout au long de cette douce chronique. Polina Panassenko y fait montre d’un bel art de dire, une manière de tenir en haleine, de ressaisir, de renouer le récit, de croiser les voix. De conter."
Xavier Houssin, Le Monde, 9/09/22
"Le premier roman de Polina Panassenko raconte le besoin viscéral d'une jeune femme de récupérer officiellement son prénom d'origine, francisé après son arrivée en France. Pauline veut redevenir officiellement Polina. L'affaire tient en trois lettres, mais charrie en réalité un enjeu bien plus vaste, toute l'histoire d'une famille d'origine russe, la sienne, marquée par les exils. Une histoire tissée de mots aux consonances étranges, quand elle n'en est pas tout bonnement privée. (...) La plume est vive, percussive et la langue inventive, pleine de tempérament, fruit d'une longue histoire familiale nourrie de couches successives des différentes cultures inscrites dans l'ADN de la romancière. Polina Panassenko, également comédienne, met en mots ce récit intime avec humour, nous faisant partager au plus près cette expérience de l'exil, qu'elle met en scène dans un texte aussi profond qu'hilarant. Un premier roman d'une vivacité rare."
Lire l'article, ici.
Laurence Houot, France Info - Culture, 19/10/22
TÉLÉVISION : Polina Panassenko, invité de La Grande Librairie le 6 octobre 2022, en lecture ici.
Ce qui est fascinant aves ces Cinépoèmes, c’est la façon dont deux artistes, l’un poète, l’autre musicien, peuvent se saisir chacun à sa façon d’un même objet, en l’occurrence ici, des images de films. Aux séquences ralenties et remontées de La Nuit du chasseur de Charles Laughton, de L’Inconnu de Tod Browning et d’autres pépites cinématographiques, Pierre Alferi appose ses textes, dont les images poétiques dialoguent aussi naturellement avec celles qui s’étirent à l’écran qu’avec la guitare de Rodolphe Burger. La mémoire fascinante du cinéma rencontre ici, en temps réel, la voix et la musique, la poésie et le chant. C’est précisément avec ces Cinépoèmes que Fanny de Chaillé a découvert Rodolphe Burger et Pierre Alferi, marquant le début d’une longue collaboration : Pierre Alferi, celui sans qui « elle ne pourrait pas créer certaines choses ».
Pierre Alferi et Rodolphe Burger se sont associés dès leurs débuts respectifs dans la musique et l’écriture. Sous le nom de Thomas Lago, Pierre fut tout au long des années 90 le principal parolier de Kat Onoma, le groupe de Rodolphe. Quand il publie son roman fleuve Le Cinéma des familles (1999), il lui commande la musique des « films parlants » qu’il en tire, puis de poèmes sonores (Parlemoi, Grand écart), enfin des premiers « cinépoèmes » (Elvin Jones, Intime), tandis que Rodolphe lui confie la réalisation du film de montage Tante Élisabeth, sur la chanson du même titre. Les « films parlants » sont des séquences de cinéma vues par les yeux du souvenir et du rêve, des scènes relues, élues au rang de fantasmes. Les « cinépoèmes » sont des textes pour l’écran qui proposent des modes d’apparition et de lecture en lien étroit avec la musique. Créé d’abord par et pour la scène, cet étrange répertoire n’a cessé d’évoluer. Les rôles s’y redistribuent sans cesse entre l’image projetée, la poésie, le chant, le montage et la musique, improvisation et enregistrement. Le musicien et l’écrivain y occupent plusieurs postes pour rejouer la scène du cinéma primitif et inviter à une « séance » inouïe.
• Extrait de Cinépoèmes à La Maison de la Poésie de Nantes en 2020 : en lecture, ici.
Fanny de Chaillé se réapproprie L'Ordre du discours de Michel Foucault et, l'utilisant comme une partition, le fait résonner de nouveau – non pas sur la scène d'un théâtre mais au sein d'un amphithéâtre universitaire, désireuse de « restituer la parole à la voix, la voix au corps, le corps aux gestes ». Pas de décor ajouté, pas d’accessoire : Désordre du discours est une expérience de la pensée, une pensée remise en mouvement et rendue de nouveau offensive par la présence – et le talent – de son interprète Guillaume Bailliart. À travers cette réincarnation joyeuse, il est permis de le croire (encore) : penser, c’est jubiler !
• LA PRESSE EN PARLE :
« Fanny de Chaillé fait danser les mots et nous permet de réentendre leur tranchant comme leur incongruité. »
Sandra Basch, Grazia, novembre 2019
« En chorégraphiant la répétition, le bégaiement, l’irruption d’un mouvement inapproprié, Fanny de Chaillé et Guillaume Bailliart explorent précisément ce « jeu » entre la pensée et la parole. Ils lèvent la « souveraineté du signifiant » grâce à la performance et au geste. Un joyeux désordre. »
Cédric Enjalbert, Philosophie Magazine, 27/11/19
VIDÉO : Ronan au théâtre, Youtubeur théâtre, avec Fanny de Chaillé à l'issue d'une représentation de Désordre du discours, en 2019, en lecture, ici.
Vous concevez des créations scéniques depuis vingt-cinq ans en oscillant librement entre théâtre, danse, performance et musique. Sur quels grands axes ou fondements s’appuie votre travail ?
Au début de mon parcours, j’ai beaucoup exploré le domaine de la poésie sonore, dans le prolongement d’un travail de recherche universitaire que j’avais accompli sur ce sujet. À l’époque, j’évoluais plutôt dans le champ de la danse contemporaine car c’est là que j’ai ressenti mes premiers grands chocs de spectatrice. Peu à peu, le texte a gagné en importance dans ma pratique – qu’il s’agisse de textes produits par moi à partir d’une écriture de plateau ou de textes écrits par d’autres personnes, en particulier le poète Pierre Alferi, avec lequel j’entretiens une collaboration de longue date. Dans tous mes projets, le texte, qui m’intéresse d’abord dans sa matérialité, ne s’éloigne jamais du corps. Comment ça bouge quand on pense ? Et comment ça pense quand on bouge ? Ce sont là les questionnements qui sous-tendent toute ma recherche. À mes yeux, il n’y a pas de pensée sans corps. Je demande ainsi beaucoup physiquement aux interprètes avec lesquels je travaille. Au-delà, je cherche à interroger les modes de représentation, à concevoir des formes en interaction dialectique avec les lieux où elles s’inscrivent, théâtres ou autres.
Qu’est-ce qui détermine votre décision de vous engager dans un projet ?
Souvent, cela part d’une question qui n’a pas été résolue dans un projet précédent. Par exemple, l’idée de ma nouvelle création, Une autre histoire du théâtre, m’est venue en travaillant sur Le Chœur, une pièce récente que j’ai faite avec de jeunes comédien·nes. Durant le processus créatif, il m’est apparu que leur connaissance de leur pratique était très limitée. Leur champ de références n’est pas le même que le mien ou que celui d’acteur·rices plus expérimentés. Du coup, je me suis dit que cela pouvait être intéressant d’élaborer un projet autour cette pratique.
En quoi consiste précisément Une autre histoire du théâtre ?
Plutôt que de remonter jusqu’à l’Antiquité, j’ai eu envie de raconter l’histoire du théâtre d’aujourd’hui en me focalisant sur les acteurs/actrices. La pièce réunit quatre interprètes, deux hommes et deux femmes. Au tout début des répétitions, je leur ai demandé de venir avec des scènes qu’ils ou elles auraient rêver de jouer et de nommer des acteurs ou actrices qu’ils ou elles auraient rêver d’être. Le travail s’est enclenché à partir des échanges que nous avons pu avoir à ce moment-là. Si cette histoire alternative du théâtre est d’abord une histoire des acteur·rices, elle va bien sûr croiser aussi l’histoire des metteurs/ metteuses en scène, des scénographes, etc.
Il s’agit d’une pièce tout public. Est-ce un paramètre essentiel, voire constitutif, du projet ?
Oui, c’est très important à mes yeux. J’ai pris énormément de plaisir à travailler avec des enfants et des ados pour Les Grands puis avec de jeunes acteur·rices pour Le Chœur. Avec Une autre histoire du théâtre, je souhaite vraiment réussir à réaliser une pièce qui touche et concerne le jeune public (à partir de 10 ans) autant que les adultes.
Vous présentez par ailleurs Désordre du discours, une pièce qui se fonde sur L’Ordre du discours, texte prononcé par Michel Foucault lors de sa leçon inaugurale au Collège de France le 2 décembre 1970 (1). La pièce est donnée à voir et à entendre dans des amphithéâtres universitaires.
À quoi répond ce choix ?
L’amphithéâtre d’université est un endroit que j’aime beaucoup. L’écoute y est spécifique : on n’est pas spectateur dans un amphithéâtre ou un auditorium, on est auditeur. Produire une pièce pour des auditeurs et non des spectateurs constitue un paramètre clé de ce projet. Ça me semblait quasiment impossible de réactiver le texte de Foucault dans un autre endroit. Par exemple, je pense que cela aurait donné quelque chose d’indigeste dans un théâtre.
En quoi ce texte vous importe-t-il et comment l’idée de le mettre en scène a-t-elle germé en vous ?
L’Ordre du discours m’accompagne depuis longtemps. Je l’ai découvert grâce au chorégraphe Alain Buffard, dont j’étais alors l’assistante. Quand je l’ai lu la première fois, le texte a profondément résonné en moi. Entre mes pièces de groupe, j’aime concevoir des solos pour des personnes avec lesquelles je travaille régulièrement. Guillaume Bailliart – qui interprète Désordre du discours – et moi avons une passion commune pour la philosophie. J’avais envie d’un texte complexe pour ce solo avec lui. J’ai relu L’Ordre du discours et j’ai appris qu’il n’existe aucun enregistrement de la leçon de Foucault au Collège de France. Dès lors, c’était une évidence : le théâtre me permet de revenir de cette absence, de ce vide.
Propos recueillis par Jérôme Provençal
Après des études universitaires d’Esthétique à la Sorbonne, Fanny de Chaillé travaille avec Daniel Larrieu au Centre chorégraphique national de Tours. C’est à partir de 2003 qu’elle développe un travail pour le théâtre avec les pièces Underwear, pour une politique du défilé (2003), Ta ta ta (2005) et Gonzo Conférence (2007). Elle collabore par ailleurs comme dramaturge avec Emmanuelle Huynh, Alain Buffard et Boris Charmatz. Elle débute une collaboration avec l’écrivain Pierre Alferi : COLOC dans le cadre du cycle de rencontre « l’objet des mots » (Actoral, 2012), le duo Répète (Concordanses, 2014), Les Grands (2017), présenté au théâtre Garonne où elle interroge le statut d’adulte et les différentes strates de réalité qui constituent un individu. Depuis 2014, Fanny de Chaillé est artiste associée à Malraux, scène nationale Chambéry Savoie où elle a créé une pièce destinée aux amphithéâtres d’universités; Désordre du discours (2019) d’après L’Ordre du discours de Michel Foucault (ed. Gallimard) présentée également au Festival d’Automne à Paris. Elle y a également imaginé un projet d’ Audioguide : le Mont-Cenis (2019), documentaire audio qui donne la parole à ses habitants ainsi qu’une installation destinée aux espaces publics Poèmes monuments (2020) en collaboration avec le designer David Dubois. Fanny de Chaillé est invitée à mettre en scène 10 jeunes comedien.ne.s pour le dispositif Talents ADAMI Théâtre 2020 dans le cadre du Festival d’Automne à Paris : Le Chœur. Elle a dernièrement créé Une autre histoire du théâtre en novembre 2022.