Entretien avec Baro d'evel

Entretien

C’est la première fois que vous présentez une pièce sans être sur scène avec la nouvelle version de Mazùt. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

On ne l’a jamais fait, c’est une place encore inconnue à occuper. C’est donc une sorte de pari ; c’est important pour nous, on marche à ça. Mazùt a été peu présentée, et c’est pour nous une pièce qui peut encore résonner aujourd’hui. Julien Cassier, qui reprend mon rôle, et Marlène Rostaing, celui de Camille sont tous les deux de notre génération. Quand on a créé la pièce en 2012, on était plus jeunes, on n’avait pas l’expérience qu’ils ont aujourd’hui. On va donc trouver autre chose dans la justesse, le rythme, la qualité d’interprétation, et tout cela donnera une autre profondeur.

Vous avez formé une vaste troupe, autour de la musique, de la danse, du théâtre, de l’acrobatie, avec laquelle vous écrivez des histoires de scène à géométrie variable, mais toujours en laissant une grande place à la scénographie et à vos compagnons, les animaux.

Il y a ce qu’on aime du cirque là-dedans. Quelle que soit la forme de la pièce au plateau, la notion de grande famille fait relativiser l’importance de ce que l’on y fait, mais révèle dans le même temps une puissance percutante. C’est aussi pour nous quelque chose de primal, en lien avec notre besoin de faire de la scène : on crée avec cette idée de troupe, et on ne peut faire autrement. L’activité de la compagnie a grandi, mais nos rapports internes au groupe restent très forts. On est uni.es au-delà du travail, dans une conviction ; et ce n’est pas rien, c'est notre façon de vouloir changer le monde !
Les animaux sont une référence. Alors que l’on travaille des heures pour être dans une justesse au moment de jouer, eux s’y trouvent en permanence. On peut dire la même chose des enfants. Et ils sont troublants par leur manière de réagir quand quelque chose ne se passe pas comme prévu. Les animaux amènent cette présence au plateau mais aussi dans le fonctionnement de la compagnie : tout le monde s’accorde à un niveau d’attention et de vigilance important. Ils stimulent l’entraide, la conscience de l’autre, la présence dans le jeu.
Camille a grandi avec eux et a les bases du langage ; elle se place dans l’échange avec eux en leur donnant un cadre pour communiquer et pouvoir jouer. Dans Falaise, le thème de l’effondrement a donné toute la nécessité de la présence des animaux. Si l’on prétend questionner, le monde ce serait prétentieux de le faire sans eux.

La scénographie est un matériau très vivant dans vos pièces. Vous dialoguez avec l’espace et ses éléments.

Le jonglage, la manipulation, étaient nos premiers outils ; donc, naturellement tout ce qu’il y a au plateau a pour nous une utilité dramaturgique. Habituellement les éléments qui composent la scénographie naissent de ce que l’on fait (la peinture, les trous par exemple) mais dans Falaise, le décor va déjà raconter quelque chose et devient un support pour développer notre histoire.

Il y a eu le diptyque Là, sur la Falaise et cette saison Mazùt et . Mais il y a aussi Highlands de Mal Pelo, et on peut le voir comme une trilogie tant vous avez travaillé ensemble. Quelle est votre histoire avec cette compagnie catalane ?

Mal Pelo a déclenché un grand virage dans notre travail. À travers leur langage ils nous ont permis de préciser notre recherche, et ont ouvert un spectre énorme de jeu, de choix, de recherche, et d’esthétique. Ils sont très réputés en Espagne et je les ai découverts dans un livre, chez mon oncle qui avait travaillé avec eux il y a plus de vingt ans. On a aussi beaucoup de points communs dans le rapport au travail, aux animaux, à cette troupe-famille. D’un point de vue artistique, Mal Pelo a l’habitude de travailler plusieurs langages à la fois comme on le fait, il y a une sorte de connexion qu’on est fiers de partager. On les a d’ailleurs invité.es à venir porter un regard sur notre travail en création, et notamment à Garonne pour . Nous sommes heureux de partager l'affiche à Toulouse cette même saison.

Propos recueillis par Jacky Ohayon et Marie Brieulé