Entretien avec la Cie TORO TORO

Entretien

Comment et quand vous êtes-vous rencontrés ?
Nans : Nous sommes devenus amis au conservatoire du 5e à Paris. En 2009.

Margot : On devait présenter des parcours libres pour entrer à l’école et je me souviens qu’on s’est vite reconnus. Il y avait entre nous un paysage commun.

Quelle a été votre expérience auprès du collectif La Vie Brève ?
Nans : À la fin de la première année au conservatoire, j’ai été invité par Samuel Vittoz à jouer pour la première édition d’Un festival à Villeréal. C’est là que j’ai rencontré Jeanne Candel. Nous brûlons, la pièce qu’elle y mettait en scène a été un choc pour moi. Deux éditions plus tard je jouais dans Some kind of monsters que Jeanne mettait en scène sur un terrain de tennis. Puis je l’ai assisté sur Le Goût du faux et autres chansons en 2014. La Vie brève nous a soutenu avec Sarah Le Picard quand nous avons créé Maintenant l’Apocalypse sur les carnets de tournage d’Eleanor Coppola. C’est avec le collectif que j’ai travaillé avec Marc Vittecoq sur Migration(s) ainsi que sur Quoi avec Margot, en 2015...

Margot : C’était un travail d’écriture au plateau comme toutes les créations de La Vie Brève. Au conservatoire nous entendions déjà parler du travail de Jeanne Candel et de Samuel Achache qui étaient élèves quelques années avant nous dans cette même école. C’était très marquant pour nous. En sortant de l’école nous étions assez influencés par leur univers et leur manière de travailler. Plus tard je jouais dans La Chute de la maison mis en scène par Jeanne Candel et Samuel Achache (en décembre 2019 au théâtre Garonne) puis dans SONGS une création de Samuel Achache avec Sarah Le Picard et l’ensemble Correspondances.

Qu’est-ce qui a motivé la création de TORO TORO ? Pourquoi avoir choisi ce nom pour votre compagnie ?
Margot : On nous a beaucoup fait jouer ensemble en tant qu’acteurs, cela nous a permis d’explorer notre duo sous différentes formes, de développer quelque chose qui nous est singulier. On a voulu continuer cette recherche en créant TORO TORO et penser nos propres projets. TORO TORO est un espace que l’on s’est créé, un espace de dialogue à nous. Ce qui est au centre de notre recherche c’est explorer à travers la fiction la façon dont on vit et s’invente à deux. 

Nans : Créer cette compagnie, c’est se confronter l’un à l’autre. Et essayer de trouver un point d’équilibre. Comme dans un pas de deux… Il y a de ça dans le nom TORO TORO, être deux. Il y a l’Espagne, il y a aussi le Japon où j’ai tourné un film avec Margot sur les errances d’un homme qui devient danseur classique par le seul fait de l’avoir décidé. Toro en japonais c’est parler à cœur ouvert, c’est aussi l’expression confuse des yeux quand une personne s’endort.

Margot : c’est aussi le gras du thon.

Après avoir présenté Polyester, épopée pour adolescent.es (et pas que !), vous revenez cette saison avec DUET où il est encore question de fiction. Qu’est-ce que vous permet la fiction ?
POLYESTER jouait avec le spectateur sur la question du vrai et du faux. Les témoignages des adolescent.es étaient tout aussi fictionnels que la saga que nous inventions pour l’occasion.Nous nous amusons à créer des fictions pour faire un pas de côté et derrière les masques qui se superposent, se rapprocher peut-être d’une vérité. La fiction est pour nous le point de départ d’un élan.

Avec DUET vous souhaitez questionner le duo, la possibilité d’être deux, à travers le prisme de l’amitié. Est-ce une tentative de vous saisir de votre propre relation, à la fois amicale et professionnelle ?
DUET est un terrain de jeu, ce sont des provocations que nous nous faisons l’un à l’autre où, le temps d’une nuit, plusieurs personnages viennent questionner ce que c’est être deux. Il y a eux donc et nous deux aussi qui flottons voguons au milieu de tout cela. Oui, notre lien est notre premier sujet d’étude. Nous jouons à ce que nous pourrions être. Chacun.e écrit grâce à ce qu’il.elle voudrait faire jouer à l’autre.

Pourquoi avoir introduit une présence animale, à savoir un chimpanzé ? Est-ce la volonté de déplacer le regard ? De changer de corps ?
Ça nous amusait de penser comment représenter des primates au théâtre. L’idée de travailler aussi à la lisière du mauvais goût, sur une crête. Mais surtout travailler sur le rapport entre parole et mouvement. Entre un langage verbal et un langage physique. Sur ce qui se passe quand deux êtres entrent en relation.

Il semblerait que vous entretenez tous deux un lien particulier avec la danse et le corps du danseur. Le corps dansant manquerait au corps du comédien ? Y a t-il une volonté de redonner du corps au théâtre ?
Nans : C’est un rapport assez évident que j’entretiens à la danse. J’aime danser et regarder les gens danser, dans des clubs, les fêtes de villages... C’est ce rapport ludique et spontané au mouvement que j’aime et que j’ai envie de partager. Comment s’exprime tout à coup par le mouvement la singularité de chacun. Comme acteur on m’a souvent demandé de danser mais je ne suis pas danseur. Avec Margot nous ne sommes pas danseurs.

Margot : Quand on écrit au plateau, le travail sur le mouvement est présent. C’est d’ailleurs souvent un point de départ avant l’arrivée du texte. C’est une image des corps dans l’espace qui vient avant toute chose.

Nans : Notre rapport à la danse est lié au plaisir, comme dans la danse amateur. On se questionne et on s’amuse des représentations de la danse, le théâtre nous permet de jouer avec les fantasmes que l’on a de tout cela.

En tant qu’artistes, quelles sont vos envies, vos désirs ?
Toujours maintenir ce dialogue entre nous deux et se donner les moyens de nous renouveler. Créer sans penser de cloisons entre le théâtre, la danse, s’ouvrir à la performance, la vidéo, faire du théâtre hors des salles. Développer des collaborations avec des artistes d’horizons différents. Rester curieux.

Entretien réalisé par Pauline Lattaque