11 > 13 déc 2018

Kopernikus (un rituel de mort)

Claude Vivier
Peter Sellars
L’Instant Donné
Roomful of Teeth

Dossier de presse

Kopernikus

Claude Vivier
Peter Sellars

"La richesse d’un être humain, c’est que c’est une infinité, une immensité, un cosmos, un ensemble complet de vies futures et de vies passées." Peter Sellars

Composé en 1980 par le Canadien Claude Vivier, également auteur du livret, Kopernikus tourne résolument le dos à l'opéra traditionnel : pas de héros, pas de méchant, pas vraiment d’histoire. Ses deux actes tissent plutôt une suite de tableaux évoquant le passage de la veille au sommeil, de la vie à la mort. D’un songe à l’autre… Agni, le personnage principal, voit les personnages mythiques provenant de ses rêves d'enfance graviter autour d'elle : sa mère, Lewis Carroll, Merlin, Mozart, la Reine de la nuit, Tristan et Isolde, et Copernic. Vivier a intitulé son opéra d'après ce dernier, qui a, dit-il, « découvert que le centre de l'univers n'était pas la terre, mais plutôt le soleil. Alors ce qui m'intéresse c'est l'idée du chercheur cosmique, qui a commencé à voir plus loin que la terre. On ne le voit qu'à la fin de l'opéra, c'est lui qui ouvre les portes du ciel... ». Une féérie mystique bâtie comme une méditation sur la spiritualité et sur notre besoin d’élévation. L’enfant terrible de la scène américaine Peter Sellars, mettant en scène le chant extatique des sept interprètes et l’ensemble de musique de chambre L’Instant Donné, rend à cette oeuvre tout l’iconoclaste éclat.

Théâtre
11 > 13 Décembre
mar 11 déc / 20:00mer 12 déc / 20:00jeu 13 déc / 20:00
spectacle proposé par Le Théâtre du Capitole, au théâtre Garonne

durée 1h20
Tarif unique 35 € / dernière minute pour les moins de 27 ans au guichet 10 €
KopernikusClaude Vivier

"JE SUIS ET JE SERAI TOUT LE TEMPS, IMMORTELLEMENT OU ETERNELLEMENT, UN ENFANT." CLAUDE VIVIER

> Pourquoi un opéra en 1980 ?

Depuis ses débuts, l'opéra a toujours "représenté" les archétypes de l'histoire, les désirs profonds des être humains."Représenter" signifie montrer une histoire, des personnages dans leur état et leur action purs donc excessifs. L'opéra, comme forme d'expression de l'âme et de l'histoire humaine, ne peut mourir. Toujours l'être humain aura besoin de représenter ses fantasmes, ses rêves, ses peurs et ses aspirations.

> Kopernikus, l'opéra

Le personnage central est Agni; autour d'elle gravitent des êtres mythiques (représentés par les six autres chanteurs) tirés de l'histoire: Lewis Carroll, Merlin, une sorcière, la Reine de la nuit, un aveugle prophète, un vieux moine, Tristan et Isolde, Mozart, le Maître des eaux, Copernic et sa mère. Ces personnages sont peut-être les rêves de Agni qui l'accompagnent dans son initiation et finalement dans sa dématérialisation.

Il n'y a pas à proprement parler d'histoire, mais une suite de scènes faisant évoluer Agni vers la purification totale et lui faisant atteindre l'état de pur esprit. Ce sont les personnages même de ses rêves qui l'initient!

La poétique de Kopernikus tient à la fois de la vive sensibilité du compositeur, de son rapport avec son enfance et des différents niveaux d'articulation de ces divers éléments oniriques. En effet l'oeuvre est une méditation sur divers états poétiques et culturels mais une distanciation s'opère dès que les différents niveaux d'articulation entrent en jeu. Le compositeur, devant une telle problématique de la création, ne peut qu'écrire les textes lui-même.

 

"Je veux que l'art soit l'acte sacré, la révélation des forces, la communication avec ces forces. Le musicien doit organiser non plus de la musique mais des séances de révélation, des séances d'incantation des forces de la nature, des forces qui ont existés, existent et existeront, des forces qui sont la vérité. Toute révolution véritable n'est faite que pour remettre une civilisation qui s'en est détachée sur le chemin de ces forces. Devenir prêtre, organiser des cérémonies dédiées à ces forces, trouver l'âme de l'humanité, la remettre en face d'elle-même, remettre l'individu face à lui-même et à l'infini, face au mystère total qu'est l'Univers, le contempler, pouvoir enfin s'y trouver. Organiser des révélations dont les prêtres sont les interprètes et dont le compositeur est le médium. Recommencer au début, refaire véritablement le monde, retrouver la sensibilité. "Le monde se prépare à un grand changement, veux-tu y participer?" (La mère).

l'Humanité va enfin retrouver sa place, elle arrêtera de se contempler le nombril et elle sentira l'infinité qui l'entoure. l'Art ne sera plus cette douce panacée qu'on applique sur un corps blessé, il sera le corps...

Claude Vivier, notes figurant sur la partition

KopernikusPresse

Peter Sellars : « Le calme, la sérénité, comme je les aime au théâtre ! »

Invité du Festival d’Automne, Peter Sellars signe la mise en scène de Kopernikus du compositeur québécois Claude Vivier. Avec l’humanisme et la rayonnante intelligence qui le caractérisent, il revient sur sa démarche d’homme de théâtre, à l’écoute des angoisses et des espoirs du monde.

Le compositeur Claude Vivier (1948-1983), dont vous mettez en scène Kopernikus, désirait le « rassemblement des visionnaires de tous les siècles ». Comment comprenez-vous cet appel ?
Peter Sellars : Comme un appel terriblement nécessaire ! Nous avons plus que jamais faim et soif de visionnaires, alors que nous traversons une période de matérialisme terrifiant. Il me semble que le monde recule, recule, et le
propre des visionnaires est de l’aider à avancer. Mais avancer collectivement et non dans une juxtaposition de projets solitaires. L’oeuvre de Vivier nous invite à affronter la peur, la souffrance, la laideur mais pour mieux en sortir et
retrouver la lumière. Chez lui, une même chose est à la fois malédiction et rédemption… Ce que j’admire chez Vivier, c’est avant tout son regard qui voit loin, beaucoup plus loin que le nôtre. En cela, je le rapprocherais de Rembrandt quand il fait le portrait d’une vieille femme très simple, la revêt de velours et inscrit au bas du tableau : « la prophétesse Anne »… Question de regard.

Vous aimez aussi le caractère intime de ce Kopernikus ?
Peter Sellars : Sur un sujet immense, la mort et la vie après la mort, Claude Vivier écrit une pièce pour sept chanteurs, sept instrumentistes, d’une durée de 70 minutes. Ce disciple de Stockhausen choisit ainsi une forme resserrée, là où le compositeur allemand imagine, sur un sujet analogue, un opéra-monde déployé sur les sept jours de la semaine ou écrit un quatuor à cordes avec quatre hélicoptères ! Il est fascinant de constater comment des sensibilités différentes prennent des voies esthétiques différentes. Si Claude Vivier était assez excessif dans sa vie, il était modeste dans sa création. Cette modestie doit se comprendre comme une éthique, une quête spirituelle. Sa musique se reçoit alors comme un cérémonial profond mais intime, le rituel d’une petite communauté où chacun écoute et prend soin de l’autre.

« Prendre soin de l’autre » : n’est-ce pas précisément votre conception d’une mise en scène de théâtre ou d’opéra ?
Peter Sellars : Je crois, en effet. Le plaisir du théâtre naît du collectif, de l’attention à chacun, de l’accessoiriste au premier rôle. C’est cela qui donne son atmosphère au spectacle. D’ailleurs, je préfère le terme « atmosphère » à celui de mise en scène. J’essaie d’orchestrer des vibrations plutôt que de placer et déplacer des décors et des personnages.

Mozart, que vous aimez par-dessus tout, est présent dans Kopernikus. Quelle lecture en faites-vous ?
Peter Sellars : Claude Vivier convoque en effet la Reine de la nuit. Mais ce n’est plus la femme sublime, blessée et vengeresse de La Flûte enchantée. Dans Kopernikus, il lui offre des mélodies d’une extraordinaire tendresse car elle a retrouvé sa fille perdue. La Reine de la nuit est désormais sereine, réconciliée, illuminée. Ce calme, cette sérénité, comme je les aime au théâtre ! La société nous condamne à la vitesse, au mouvement incessant, à la concurrence. Donc, sur scène, je désire pouvoir respirer et faire respirer, reconquérir un équilibre perdu. L’époque où je recherchais l’énergie et une forme d’excitation pour bousculer la perception du spectateur est sans doute révolue…

Comment envisagez-vous la réception du public ?
Peter Sellars : J’hésite à parler « du » public car chaque spectateur reçoit différemment un spectacle. Je sais que mon travail peut plaire ou choquer et cela ne m’ennuie pas. Je sais surtout que l’impact d’un spectacle n’est pas seulement immédiat : ce n’est pas tant la soirée qui compte mais ce qu’il en restera le lendemain, la semaine suivante, voire des années après. Comme dans la vie où, bien souvent, le sens d’un événement ou la richesse d’une rencontre ne se révèlent que beaucoup plus tard.

Recueilli par Emmanuelle Giuliani, 4 décembre 2018

Portrait

Peter Sellars 

Né en 1957, le metteur en scène Peter Sellars se fait connaître en France dans les années 80 avec sa trilogie de Mozart/Da Ponte inspirée des années Reagan, et son Jules César (Haendel) sous les traits de Kadhafi. Par la suite, il épure son style en montant les grandes oeuvres du répertoire tout en continuant à interroger notre société et nos difficultés à vivre ensemble. Il a été directeur artistiques de quatre festival : Los Angeles, Adelaide, Biennale de Venise, New crowned Hope à Vienne. Il enseigne l’art et les cultures du monde à l’Université de californie à Los Angeles et il est commissaire résident du Telluride Film Festival. Peter Sellars a notamment été lauréat de plusieurs prix : le MacArthur Fellowship, l' Erasmus Prize, le Sundance Institute Risk-Takers Award, le Gish Prize ainsi que le  Polar Music Prize.

L'Ensemble instrumental L'Instant Donné

L'ensemble instrumental L'Instant Donné a la particularité d'interpréter la musique contemporaine sans chef d’orchestre dans des formations allant jusqu’à une dizaine de musiciens. Constitué en 2002 et installé à Montreuil (Seine-Saint-Denis) depuis 2005, l’ensemble rassemble onze personnes dont neufmusiciens. Le fonctionnement est collégial, les choix artistiques et économiques, la gestion du lieu de travail, l’organisation des concerts, des plannings et des tournées sont discutés en commun. La création musicale est une priorité représentant une part importante de l’activité et le travail avec les compositeurs se développe sur le long terme. L’ensemble interprète un répertoire récent ainsi que des pièces choisies de l’époque classique et s’associe volontiers à des partenaires réguliers (ensembles vocaux, chanteurs, chefs d’orchestre, ingénieurs du son, chorégraphes, acteurs, etc.). Depuis 2007, L’Instant Donné est l’invité du Festival d’Automne à Paris pour de nombreuses créations souvent écrites pour lui. L’Instant Donné propose une trentaine de concerts par an en France et à l’étranger. En juin 2018, paraît un double cD sur le label NoMadMusic consacré aux œuvres de Gérard Pesson. L’Instant Donné est ensemble associé au Nouveau Théâtre de Montreuil de 2018 à 2021.

http://instantdonne.net

L’Ensemble vocal Roomful of Teeth

L’Ensemble vocal Roomful of Teeth a été fondé en 2009 par Brad Wells. Son objectif est de travailler le potentiel expressif de la voix humaine. À travers l’étude de traditions vocales non classiques du monde entier, cet ensemble de 8 voix élargit sans cesse son vocabulaire de techniques de chant et développe le répertoire avec un programme de commandes à des compositeurs. chaque année, les chanteurs de Roomful of Teeth se rejoignent au Musée d’Art contemporain du Massachussetts, où ils s’initient auprès des grands maîtres de chants traditionnels (le chant khöömii mongol, le yodel allemand, le chant de gorge inuit, le pansori coréen, le chant géorgien, la musique indienne, le chant classique perse et le chant guttural du Death Metal). Ils commandent des œuvres à denombreux compositeurs. De 2016 à 2017, ils créent The Colorado, un film documentaire musical sur le Bassin du colorado, se produisent sur les scènes de festivals de nouvelle musique aux Etats-Unis, au canada et en Suède ; enfin ils mènent des activités pédagogiques au sein d’une vingtaine d’institutions à travers le pays.

http://roomfulofteeth.org