15 > 17 janvier 2018

Les Vagabondes

Alain Béhar

Les Vagabondes

Alain Béhar

Les vagabondes, ce sont ces plantes ou fleurs robustes, peu ou mal identifiées dans un milieu donné, ou bien qui mutent pour continuer à aller où elles veulent quand on les a identifiées. Elles circulent d’un niveau de « réalité » à l’autre et en profitent - selon Roland - de part et d’autre des ensembles ou des familles répertoriés, au gré des vents butineurs, des oiseaux, des chaussures des passants ou quand on tourne le dos. »
Alain Béhar

Il est question de “natures mélangées” dans un jardin moitié végétal moitié digital. Jardin où l’on vit le plus naturellement du monde entre “faire” et “imaginer faire”, où le déjà fait et ce qui reste à faire s’entend avec ce qui aurait pu se faire, avec ce qu’on peut en faire et ce qui ne se fera pas. Il est question d’une “société de projets” et de gens qui cherchent l’art sans jamais le trouver, de plantes vagabondes et de la fin de la mort vers 2043.

Théâtre
15 > 17 Janvier
lun 15 jan / 20:30mar 16 jan / 20:30mer 17 jan / 20:30
théâtre Garonne

durée 1h20
de 8 à 22 €
Les VagabondesEntretien

Alain, tu as donné comme titre à ton spectacle : Les Vagabondes. Pourrais-tu nous dire ce que sont des « vagabondes » et ensuite comment ce titre s’est imposé à ton texte ?
Je dois le titre (le mot) à la lecture des livres de Gilles Clément, de ses jardins en mouvements. C’est lui qui en parle le mieux, moi c’est comme je l’imagine. Les Vagabondes, ce sont des plantes et fleurs plus ou moins invasives, qui débarquent ici ou là, on ne sait trop comment, qui s’installent, de fossés en friches ou en bordures, se glissent entre les murs et prospèrent sur des sols laissés libres ou abandonnés… Ce sont des étrangères, parfois célibataires, parfois en bande au parcours d’abord illogique qui se posent là et en profitent, un peu comme les idées, les pensées, les projets, la mémoire…

Sur scène, un premier récit est pris en charge par un homme/écrivain (toi). Mais simultanément et parallèlement, un second récit se déploie, celui que nous donne à voir la scénographie évolutive de ton spectacle (mise en œuvre par Montaine). Peux-tu nous dire un mot sur ces deux lignes de force de ton spectacle (ces deux narrations), sans trop dévoiler le « récit » de la scénographie ?
Pour construire le spectacle, j’ai proposé à quelques artistes amis de passer un par un (parfois deux) une semaine de répétition avec moi et de me guider à leur façon. Semaine après semaine je me laissais faire, c’était le jeu, le processus comme on dit. Chacun orientant le travail pendant quelques temps, le pollinisant, pour rester dans la métaphore végétale. Jusqu’à la semaine d’après, ensuite on faisait le tri. Montaine (qui est par ailleurs danseuse et chorégraphe) est la première à être passée, et elle est restée. Elle incarnait d’abord comme une absence, elle tenait le texte, une anomalie, on disait. J’avais du mal (quasi  idéologiquement) avec l’idée de l’homme seul en scène. Nous avons donc convenu d’être deux. Deux solitudes. Petit à petit s’est imposé l’idée des deux chemins autonomes qui ne se rencontrent que par le regard du public. Le chemin du texte, le chemin d’une scénographie en mouvement. Il est aussi question, dans le sourire du récit, de gens qui ne jouent leur spectacle que les jours de relâche dans le décor des autres. Au départ, je débarque donc dans un espace qui ne semble pas prévu pour m’accueillir, le coté jardin de Montaine, qui se trouve être un jardin de « natures mélangées », c’est à dire qu’il combine des «vraies» végétaux avec des faux, avec des images… le plus naturellement du monde. Et ça pousse.

Ton texte, comme les vagabondes, emprunte constamment des chemins de traverse et une topographie foisonnante. Il est cependant jalonné de repères temporels. La scénographie - encore elle - s’agence de façon linéaire dans le temps et va finir par déborder l’espace, faire disparaître le lieu.
Les catégories d’espace et de temps ont-elles présidé à l’écriture de ce spectacle ?

Dans l’histoire, j’essaie de composer quelque chose avec des tonnes de bribes et de notes un peu dingues reçues par la poste, d’un ami mort : Roland, et le temps ne passe plus. Il y a d’abord comme une page blanche à remplir, ce genre d’espace.  Un texte à venir, un plateau à venir, un théâtre à venir… Puis l’espace et le temps se confondent. Le passé et le futur s’agglutinent dans le présent, une sorte d’éphémère permanent qui commence tout le temps, qui promet sans cesse, qui laisse tout en plan. Quand Roland dit qu’il va faire quelque chose, c’est comme si c’était fait. Le texte joue et se joue (entre autre) de l’idée qu’on pourrait vivre seulement de projets à venir, qu’on ne réaliserait jamais vraiment, et que ce serait joyeux à partager, jubilant, cette sorte de report permanent, au présent. Que ce serait un peu ça « artiste » : chercher l’art sans jamais le trouver. Mais c’est drôle, hein. Dans le texte, il est question d’un groupe de gens qui se retrouvent une fois par an depuis la nuit des temps pour faire la fête des promesses, pour boire des coups jusqu’à pas d’heure et parler de leurs projets dans un théâtre potentiel, en puissance, forcément merveilleux. On s’en moque au moins autant, on avance de mars en mars, de séquence en séquence entre 2017 et 2043, c’est une chanson de Bashung voilà pourquoi. En fin de compte il manque de la place dans l’espace, et il semble que le temps soit compté, mais par qui ?

Les Vagabondes a été créé à hTh en 2016 lors du festival Big Bang, dans une salle « classique » de théâtre. Que va changer la programmation de ces représentations dans un véritable jardin ou une serre ?

J’en sais foutrement rien, dirait Roland, mais ça me semble juste, ça travaille comme ça, c’est le projet et j’en ai envie. La végétation, les natures prolifèrent, dans la pièce. Le côté jardin est envahissant et rejoint la cour. Il y a dans une salle « classique » la promesse en mouvement d’un jardin qui vient, il y aura dans une serre ou dans un jardin la promesse aussi d’un théâtre qui vient. Potentiellement tout le temps. Dans une serre on y soigne, on y cultive, on y protège, on y prépare, on y promet… On y fera une sorte de clairière plein centre ou dans un angle, pour notre plateau et sa réalité composée. Il est question d’une nature qui mélange les natures, le vrai le faux, les boutures alignées en promesses et les grandes fragiles qui passent l’hiver au chaud, ce qu’on voit et l’image de ce qu’on voit, la poétique et le politique, le Pet d’âne en peinture et le vrai Chardon velu, la chlorophylle et les pixels, les rires et une certaine gravité, la copie et l’original, le réel et le virtuel... Il est question d’un théâtre buissonnant et d’une scène qui se transforme en friche peu à peu pour finir par disparaître. J’ai aussi simplement le désir de vagabonder quelques temps avec Les Vagabondes, de jouer ce texte dans des formats divers, dans toute sorte d’endroits ; sur des tout petits plateaux, sur des grands, dans des serres dans des jardins, à la radio et pourquoi pas en appartement, dans des caves, des églises, des cafés, sur internet ou au Zénith, ad libitum…  Un nouvel opus est prévu pour la saison 2031/2032, intitulé Tout Roland, bonus et scènes coupées.

Les VagabondesGénérique

avec Alain Béhar, Montaine Chevalier
scénographie Cécile Marc, Alain Béhar, Montaine Chevalier
lumières Claire Eloy
images et régies Stéphane Couzot, Jesshuan Diné
et les regards vagabonds d’Antoine Wellens, Marie Vayssière, Daniel Romero, Alain Fourneau, Mireille Guerre, François Tizon, Renaud Bertin, Suzanne Joubert…
production Compagnie Quasi
coproductions hTh, Centre Dramatique de Montpellier, 3bisF, théâtre Garonne - scène européenne, Toulouse
avec le soutien du Théâtre du Bois de L’aune, Aix-en-Provence.
La compagnie Quasi est conventionnée par la DRAC et la région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée

Les VagabondesPortrait

Alain Béhar

À titre personnel ou avec sa compagnie Quasi, Alain Béhar a été associé à La Chartreuse de Villeneuve les Avignon, au Théâtre des Bernardines et à la Scène Nationale du Merlan à Marseille, à la Scène Nationale de Sète, au théâtre de Clermont l’Hérault, au théâtre du Bois de l’Aune à Aix en Provence. Il est lauréat de la Villa Medicis hors les murs. Il a écrit et créé une dizaine de pièces depuis 2000 : Monochromes, Bord et bout(s), Tangente, Sérénité des impasses* 26 sorties du sens atteint ; Des Fins (épilogues de Molière), une variation avec les 33 fins des 33 pièces de Molière ; Manège ; ; Até ; Angelus Novissimus ; Teste ou le lupanar des possibilités d’après Monsieur Teste de Paul Valery. Il intervient par ailleurs régulièrement dans des contextes de formation, dans des écoles et à l’université.