compositeur associé 2021 > 2023

Pierre-Yves Macé vu par...

Pierre Senges
Emmanuelle Huynh
Joris Lacoste
Sylvain Creuzevault

Si Glenn Gould était encore vivant, on le présenterait à Pierre-Yves Macé.

Pierre Senges

Pierre Senges, écrivain et librettiste, a travaillé plusieurs fois avec Pierre-Yves notamment sur Maintenant, de toutes nos forces, essayons de ne rien comprendre, musique de Pierre-Yves Macé, créé à Paris en 2017 et Singing Trees, installation pour le Festival d’Automne 2020. Nous lui avons demandé de nous en dire quelques mots...

S’interroger sur l’essence d’un art revient bien souvent à provoquer une crise, un schisme, une révolution ou un renoncement pathétique. Pierre-Yves Macé est un compositeur chez qui les questionnements au sujet de la musique se traduisent par de la musique. La mise en scène tourmentée de la crise est remplacée par une œuvre, puis par l’œuvre suivante ; les questions, et éventuellement les réponses, sont suggérées, abordées avec sérieux mais sans esprit de sérieux, avec intensité mais sans cabotinage, et surtout, elles ne prennent pas l’auditeur au piège (ni à témoin).

Selon son propre aveu, composer est pour lui la meilleure façon d’écouter ; on l’imagine aussi se frotter les mains avant d’entamer son travail, en se disant : bien, maintenant, mettons-nous à douter.

Pierre-Yves Macé est inventif : inventer signifie pour lui redécouvrir sans cesse la musique en partant de zéro, retourner chaque matin en classe préparatoire et là, redécouvrir le son, le timbre, la hauteur, le rythme, les intervalles, la clé d’ut, la série de Schönberg, la musique spectrale, la Klangfarbenmelodie et la flûte à deux trous.

Au lieu de se laisser submerger par les musiques ambiantes en provenance de partout, Pierre-Yves Macé applique à sa manière le conseil de John Cage : si un son te dérange, écoute-le. Ce qui préexiste lui sert de matériau, non pas dans une démarche post-moderne de parodie, mais comme un langage : comme l’ensemble d’un vocabulaire, le haut et le bas, le cuit et le cru, le marmoréen et le fugitif, dans lequel on se baigne chaque jour. D’ailleurs, ses oreilles sont ainsi faites qu’elles ne sont pas vraiment dérangées, comme le suggère la devise de John Cage – on ne pourrait pas dire non plus qu’elles sont turlupinées (même si on se rapproche de la vérité), mais bien plutôt sollicitées.

Glenn Gould appréciait par-dessus tout les artistes capables d’échapper à l’esprit du temps : ils ne se soucient pas d’être modernes, ils ne refuseraient pas de l’être le cas échéant, par hasard, ils ne vivent pas dans l’angoisse de paraître désuets, ils préfèrent être libres plutôt que d’avant-garde et le plus souvent leur liberté est la garantie d’un authentique avant-gardisme. Si Glenn Gould était encore vivant, on le présenterait à Pierre-Yves Macé.

Le dessinateur Nicolas de Crécy est un grand amateur de ces croquis qu’on dessine sans y penser pendant un coup de téléphone : un ensemble de traits sur le point de prendre forme. Pierre-Yves Macé est un grand amateur de fredonnements, un ensemble embryonnaire de sons sur le point de devenir une mélodie. L’un et l’autre cherchent le moyen de faire durer ces moments dans des formes plus achevées (ou toujours sur le point de l’être).

Dans Rumorarium, vers la dix-septième minute, on peut entendre un do dièse d’une grande beauté ; le reste de son œuvre est tout aussi remarquable.

Pierre Senges

Musique
17 Décembre
Une soirée avec
Pierre-Yves Macé
Silvia Tarozzi / Ensemble Dedalus
Caroline Cren / Ensemble l'Instant Donné
Danse
21 > 22 Avril
Nuée
Emmanuelle Huynh

Un compositeur incroyablement pluriel et protéiforme

Joris Lacoste

Joris Lacoste, écrivain pour le théâtre et metteur en scène, a collaboré avec Pierre-Yves Macé sur plusieurs pièces dont Suite n°2 et Suite n°3 présentées au théâtre Garonne en 2017.

J’admire chez Pierre-Yves sa capacité à se laisser envahir et traverser par le dehors, par des matériaux, des formes ou des idées extérieures. Ce n’est pas un compositeur tellement soucieux d’exprimer SA personnalité ou de construire S0N style : Il est plutôt du genre à se brancher sur d’autres processus collectifs, d’autres désirs singuliers, que ce soit un projet de théâtre, de danse, ou une pratique de chant amateur sur Youtube. J’ai l’impression que chaque composition se présente pour lui comme une sorte de situation à démêler, de problème à résoudre. Et si la résolution exige telle ou telle forme, il ne s’en interdira aucune a priori. Cela fait de lui un compositeur incroyablement pluriel et protéiforme. C’est pour cela qu’il est si passionnant de collaborer avec lui. Ce qu’il livre est à la fois exactement ce qu’on a discuté et en même temps complètement autre chose, une musique aussi juste qu’inattendue.

Joris Lacoste

Visuel : Suite n°2 © beaborgers

à suivre... les témoignages d'Emmanuelle Huynh et Sylvain Creuzevault