14 > 17 déc

Relative Calm

Lucinda Childs / Robert Wilson

Relative Calm

Robert Wilson
Lucinda Childs [États-Unis]

Quarante ans après l'opéra iconique Einstein on the Beach, Robert Wilson et Lucinda Childs réalisent une nouvelle œuvre à partir de leur pièce Relative Calm (1981), sur les musiques de John Adams, Jon Gibson et Igor Stravinsky. La pièce réunit douze jeunes danseur·ses de la MP3 Danse project dirigé par Michele Pogliani.

Novembre 1981 : deux monstres sacrés de la scène américaine créent au Théâtre national de Strasbourg Relative Calm : Lucinda Childs y hypnotise le public avec sa mécanique quasi obsessionnelle du rythme et du motif, dans un ballet paradoxalement hardi et délié ; de son côté, Robert Wilson donne au plateau une dimension cosmique qui suspend le temps, dans une mise en lumière tellement intense qu’elle fera alors sauter tous les circuits électriques du théâtre…

Juin 2020 : quarante ans plus tard, la mythique pièce est retravaillée et réinventée par le duo, désormais accompagné de douze jeunes danseur·ses italiens, sous la direction de Michele Pogliani. À l’occasion de cette recréation, une nouvelle partie est ajoutée. L'ensemble PMCE Parco della Musica Contemporanea, dirigé par Tonino Battista, interprète les musiques du spectacle (John Adams, Jon Gibson et Igor Stravinsky). Garonne accueille alors tout ce petit monde en résidence de création.

Décembre 2022 : Relative Calm, dans sa version augmentée – nouveaux décors, nouveaux éclairages et projections vidéo – connaîtra sa première française à Toulouse. Et la machinerie hypnotique de mouvements, de sons, d'images et de lumières se remettra en marche, pour le plus grand bonheur du public de Garonne, et au risque – presque enviable – de faire ici aussi sauter tous les circuits du théâtre, au propre comme au figuré…

Danse
14 > 17 Décembre
mer 14 déc / 20:00jeu 15 déc / 20:00ven 16 déc / 20:30sam 17 déc / 20:30sam 17 déc / 16:00

durée 1 h 30
Première en France, nouvelle production, coproduction Garonne
tarifs généraux de 17 à 25 € / tarifs adhérent·es de 15 à 20 €
Note d'intention

Une machinerie hypnotique faite de mouvements, de sons, d'images et de lumières pour créer une forme d'une harmonie sans égale, quasi mathématique.

Nous pourrions dater le début en 1962, lorsqu'il déménage de Waco au Texas à New York où il commence des études au Pratt Institute ; ou bien en 1966, lorsqu'il crée Byrd Hoffman School, l'atelier d'art au 147 Spring Street ; ou encore en 1970, lorsqu'il surprend les spectateurs du Festival d'Automne et une grande partie du public parisien avec la performance muette Deafman glance. Dans tous les cas, il se trouve que depuis plus d'un demi-siècle, Robert Wilson n'a cessé de nous étonner par sa créativité débordante qui, associée à son style ciselé, sa rigueur, continue de nous surprendre aujourd'hui, traversant et contaminant tous les langages de la contemporanéité.

Des décennies après l'opéra phare Einstein on the beach, Robert Wilson revient pour travailler de nouveau avec son amie, la chorégraphe légendaire, Lucinda Childs. Leur nouvelle création Relative Calm s’appuie sur une performance présentée à The Kitchen en 1981. Le New York Times écrivait alors à propos de Lucinda qu'elle "faisait preuve d'une telle complexité en variant les motifs et en intégrant aux fondamentaux un tas de micro changements dans un même mouvement-phrase de base répété, que penser que son approche est minimaliste, est une erreur" (Anna Kisselgoff, The New York Times, 20 décembre 1981).

Conçue lors de la première résidence de création au théatre Garonne-scène européenne de Toulouse en pleine pandémie, puis après une seconde phase de travail au Parco della Musica de Rome, la nouvelle œuvre prend la forme d’un même mouvement de 70 minutes pris dans une partition musicale complexe : la musique classique de Pulcinella de Stravinsky mise en contrepoint avec les partitions contemporaines de Jon Gibson et John Adams.

"L'ensemble du spectacle est une horloge qui mesure le temps, comme les heures d'une journée : c'est une construction de l'espace et du temps" -  dit Robert Wilson- "Le temps est un enfant qui joue en composant et en décomposant sans fin les pièces d'un même échiquier. C'est l'image du temps évoquée par le philosophe grec Héraclite il y a 2.500 ans. L'espace est divisé en trois zones de réalité qui se superposent de manière transparentes. Ces trois zones sont de différentes réalités, de différents temps. Qu'il s'agisse de la danse, des lumières, des projections ou du pendule qui se balance au-dessus de la scène, ils sont tous synchronisés et liés à la partition musicale, mais ils ont tous leur propre temps. Les gens disent que mon travail est minimal : il n'est pas minimal, il est baroque. On dit d'Einstein On The Beach qu'il s'agit d'un opéra minimaliste, alors qu'il est incroyablement complexe. On dirait que rien ne se passe sur scène. Ce n'est que la peau. Mais en dessous, il y a une structure très complexe de chair et d'os".

La Suite Pulcinella d'Igor Stravinsky, à l'origine composée il y a tout juste un siècle pour les Ballets russes de Diaghilev, occupe ici le centre de la partie instrumentale de la pièce, repose exclusivement sur les partitions de Pergolèse. "Pour être honnête - dit Robert Wilson - je ne vois pas tellement de différence entre John Adam, Jon Gibson et Igor Stravinsky. C’est juste une façon de structurer le temps et l'espace. Mon travail n'est pas un exercice intellectuel. C'est quelque chose que l'on vit, qu’on éprouve. Comme le disait Susan Sontag, faire l'expérience de quelque chose est une façon de penser. Le temps et l'espace sont des choses dont on fait l'expérience. Le sens est dans ce qu'il est. Si quelqu'un regarde un coucher de soleil, il n'est pas nécessaire que cela lui dise quelque chose, c'est quelque chose que l'on vit et chaque moment sera toujours différent. Le changement est ce qui est constant".

"Je travaille constamment en étroite relation avec les partitions des compositeurs, car la musique est toujours la source d'inspiration pour le mouvement que je crée pour chaque œuvre" - dit Lucinda Childs - "La musique de Stravinsky me conduit à coup sûr sur un nouveau chemin, mais toujours avec les mêmes techniques. J'admire le travail de Robert Wilson depuis 1974, lorsque j'ai vu pour la première fois A Letter to Queen Victoria à New York. Nous avons des préoccupations esthétiques similaires notamment concernant le postmodernisme, et nous continuons à partager nos idées entre le théâtre et la danse".

La première mondiale a été présentée au Parco della Musica de Rome en juin 2022, avec la participation de 12 interprètes de la compagnie MP3_dance dirigée par Michele Pogliani. Après avoir été membre de la Lucinda Childs Dance Company pendant 10 ans dans les  années 80/90, Michele a créé sa propre compagnie à Rome pour partager et renouveler avec de jeunes interprètes et deux maîtres légendaires, le croisement passionnant entre les arts visuels et les arts du spectacle.

Portrait

Lucinda Childs a commencé sa carrière au Judson Dance Theater en 1963 où elle a chorégraphié treize pièces et joué dans des œuvres d'Yvonne Rainer, Steve Paxton et Robert Morris. Depuis la création de sa compagnie de danse en 1973, elle a créé plus de cinquante œuvres, en solo et en ensemble. En 1976, elle a collaboré avec Robert Wilson et Philip Glass sur l'opéra Einstein on the Beach, en tant qu'interprète principale et chorégraphe, pour lequel elle a reçu un prix Obie du Village Voice.

Lucinda Childs a joué dans un certain nombre de productions majeures de B.Wilson, dont Maladie de la Mort de Marguerite Duras, I Was Sitting on my Patio This Guy Appeared I Thought I Was Hallucinating de Wilson, Quartett de Heiner Muller, l'opéra White Raven de Wilson et Glass et Adam's Passion d'Arvo Part, et a collaboré avec Robert Wilson et Mikhail Baryshnikov sur la production de Wilson Letter to a Man, dont la première a eu lieu à Spoleto en Italie en 2015. Elle a reçu une bourse Guggenheim en 1979 pour sa collaboration, Dance, avec une musique de Philip Glass et un décor de film de Sol LeWitt. Depuis 1981, elle a chorégraphié plus de trente œuvres pour de grandes compagnies de ballet, dont le Ballet de l'Opéra de Paris, les Ballets de Monte Carlo et la White Oak Dance Company de Baryshnikov. Elle a également travaillé en tant que chorégraphe et, plus récemment, à la fois chorégraphe et metteur en scène pour seize productions d'opéra, notamment Zaide de Mozart pour La Monnaie de Bruxelles, Le Rossignol et Oedipe de Stravinsky, Farnace de Vivaldi et Alessandro de Haendel, élu " Opéra de l'année " par Mezzo-TV 2013.
En 2014, elle a dirigé une nouvelle production de Dr Atomic de John Adams pour l'Opéra du Rhin et Atys de Jean Baptiste Lully et Orfeo et Euridice de Gluck pour l'Opéra de Kiel en Allemagne.
Childs a reçu le Bessie Award for Sustained Achievement en 2001, et a été élevée du rang d'officier à celui de commandeur dans l'Ordre des Arts et des Lettres de France en 2004, et en 2009 elle a reçu le NEA/NEFA American Masterpiece Award. En 2017, elle a reçu le Lion d'or de la Biennale de la Danse de Venise et le Samuel H. Scripps/American Dance Festival Lifetime Achievement Award.

Portrait

Né à Waco, au Texas, Bob Wilson compte parmi les artistes de théâtre et les artistes visuels les plus importants au monde. Ses œuvres pour la scène intègrent de manière non conventionnelle une grande variété de médias artistiques, notamment la danse, le mouvement, l'éclairage, la sculpture, la musique et le texte. Ses images sont esthétiquement frappantes et chargées d'émotion, et ses productions ont été acclamées par le public et les critiques du monde entier.

Après avoir étudié à l'université du Texas et au Pratt Institute de Brooklyn, Wilson a fondé le collectif de performance new-yorkais "The Byrd Hoffman School of Byrds" au milieu des années 1960, et a développé ses premières œuvres emblématiques, notamment Deafman Glance (1970) et A Letter for Queen Victoria (1974-1975). Avec Philip Glass, il a écrit l'opéra phare Einstein on the Beach (1976).
Parmi les collaborateurs artistiques de Bob Wilson figurent de nombreux écrivains et musiciens tels que Heiner Müller, Tom Waits, Susan Sontag, Laurie Anderson, William Burroughs, Lou Reed, Jessye Norman et Anna Calvi. Il a également laissé son empreinte sur des chefs-d'œuvre tels que La Dernière Bande de Krapp de Beckett, l'Opéra de quat'sous de Brecht/Weill, Pelléas et Mélisande de Debussy, Faust de Goethe, L'Odyssée d'Homère, Les Fables de Jean de la Fontaine, Madame Butterfly de Puccini, La Traviata de Verdi et Œdipe de Sophocle.

Les dessins, peintures et sculptures de Bob Wilson ont été présentés dans le monde entier lors de centaines d'expositions individuelles et collectives, et ses œuvres font partie de collections privées et de musées du monde entier.

Il a été honoré par de nombreux prix d'excellence, dont une nomination au prix Pulitzer, deux prix Premio Ubu, le Lion d'or de la Biennale de Venise et un Olivier Award. Il a été élu à l'Académie américaine des arts et des lettres, ainsi qu'à l'Académie allemande des arts, et détient huit doctorats honorifiques. La France l'a nommé commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres (2003) et officier de la Légion d'honneur (2014) ; l'Allemagne lui a décerné la croix d'officier de l'ordre du Mérite (2014).

Wilson est le fondateur et le directeur artistique du Watermill Center, un laboratoire des arts situé à Water Mill, dans l'État de New York.

Accéder à son site : http://www.robertwilson.com

Presse

(ARTICLE SUR LA VERSION DE 1981 DE RELATIVE CALM)

La création de Relative Calm, de Lucinda Childs, à Strasbourg Rhapsody in blue.

La saison passée, le directeur du Théâtre national de Strasbourg, Jacques Blanc, avait invité Merce Cunningham, incursion insolite de la danse moderne dans une ville entièrement tournée vers le ballet classique. Le T.N.S. récidive avec une création de la chorégraphe américaine Lucinda Childs, Relative Calm, ballet en quatre parties sur une musique de Jon Gibson, dans des éclairages et une mise en scène de Bob Wilson ; une affiche qui a suffit à remplir la salle pendant trois jours. À la première, Bob Wilson était là. Avant de disparaître pour Munich, il avait eu le temps de mobiliser toutes les sources lumineuses du théâtre, allant jusqu'à faire sauter les circuits électriques en disposant d'un seul coup deux cents lumières dans les cintres... Son dispositif comporte également un cyclorama en fond de scène pour les projections et un plan complexe de découpes pour modeler l'espace.
Tel Dieu le père, il a recréé l'univers avec un ciel d'un bleu intense où scintillent des étoiles ; un quartier de lune s'y promène, désinvolte. Au sol, les neuf danseurs de la compagnie sont assis, chacun éclairé par un spot. Un rideau transparent les isole de la salle, sensation d'aurore boréale. Déjà le temps est suspendu, bientôt, il ne comptera plus. Les générations futures pourront imaginer et reconstituer Relative Calm de la même manière que l'on procède pour Giselle, car un véritable livret donne une description détaillée de la mise en scène, des rapports de la danse et de la musique et même des effets souhaités sur le public. Le spectateur maniaque peut traquer les schémas de la chorégraphie qui repose sur des comptes de pas précis des parties fuguées et des décalages de séquences, encore qu'il risque de se perdre dans les variations sournoises du répétitif.
La magie de la danse chez Lucinda Childs ne réside pas là. Dans la première partie, Rise, on retrouve la manière particulière qu'a la chorégraphie de disposer les danseurs, cette façon hardie de les lancer en avant, d'ouvrir l'espace puis de battre en retraite. Il y a aussi ces phrases gestuelles passées en relais d'un groupe à un autre, la souplesse des hanches, le cambré nerveux, les plies désinvoltes et les oscillations des pieds très souvent utilisés sur la demi-pointe. La partition de Jon Gibson donne à l'ensemble un caractère rhapsodique ; c'est une danse de galaxies.
Pour Quatuor, le rythme se précipite, le vocabulaire devient plus sophistiqué avec sauts, épaulements, petits dégagés, pas de bourrée et grands jetés, requérant une véritable virtuosité technique. En suivant le jeu des différents couples, on croirait voir des pas de deux ou de quatre classiques. On ne retrouve pas ici la variété et la subtilité des dessins du précédent ballet, Dance. La musique de Gibson accentue ce caractère de figures imposées, et l'on se prend à penser que le danger pour Lucinda Childs serait de tomber dans une sorte d'académisme formel.
On oublie tout lorsqu'elle apparaît seule, tout de noir vêtue, flexible et dure comme une lame. Pendant dix-sept minutes elle va avancer, reculer, sur le même parcours en diagonale qu'elle module de l'angle aigu de ses bras ou de la tendresse de ses pliés. C'est la reine de la nuit se promenant sur un rayon de lune, la grande prêtresse du déboulé. Perpétuellement tendue, elle tisse le temps, le suspend ou le précipite sur un accompagnement de saxo ténor.
Avec Return, dansé par toute la compagnie, c'est la détente. Une batterie nerveuse crée un léger rumbato, sur lequel vont se succéder, entre cour et jardin, une cascade d'entrées virevoltantes. Chez Lucinda Childs, les danseurs ne se touchent pas, ils se frôlent à un millimètre près dans des trajectoires, des croisements, des enroulements vertigineux. La scène est trop étroite pour contenir leurs projections latérales. L'exécution est parfaite. Ande Peck réussit à se distinguer de l'ensemble par son extraordinaire vélocité. Les étoiles clignotent gaiement dans le ciel wilsonien, soudain tout s'arrête, c'est l'atterrissage brutal dans le réel, mais la plénitude demeure.
 

Marcelle Michel, Le Monde, 21 novembre 1981

Relative CalmGénérique

Relative Calm
concept, lumière, vidéo, jeu, mise en scène
Robert Wilson
chorégraphie Lucinda Childs
musique Jon Gibson, Igor Stravinsky, John Adams

MP3 Dance project dirigé par Michele Pogliani
performance Agnese Trippa, Giovanni Marino, Riccardo Ciarpella, Sara Mignani, Irene Venuta, Asia Fabbri, Mariagrazia Avvenire, Mariantonietta Mango, Giulia De Marzi , Cristian Cianciulli, Gerardo Pastore, Nicolò Troiano

collaboration décor Flavio Pezzotti
collaboration lumière Cristian Simon, Marcello Lumaca
collaboration vidéo Tomek Jeziorski
costumes Tiziana Barbaranelli
son Dario Felli
maquillage Claudia Bastia
directeur technique Enrico Maso
régisseuse Petra Deidda
assistant lumière Fabio Bozzetta
assistant vidéo Michele Innocente
assistante costume Flavia Ruggeri
photos Lucie Janch
direction de projet Marta Dellabona
production, communication Martina Galbiati
assistante personnelle de Robert Wilson Aleksandar Asparuhov

créé le 17 juin 2022, Sala Petrassi, Parco della Musica, Rome

RW-Work, New York \ www.robertwilson.com