Le Grand Cahier

The Notebook

Agota Kristof

Forced entertainment 

Dossier de presse

The Notebook

Agota Kristof
Tim Etchells
Forced Entertainment [Grande-Bretagne]

"C’est la première fois en 30 ans que Forced Entertainment adapte un roman à la scène – le résultat est sans appel et hypnotique." The Stage

The Notebook est inspiré du Grand Cahier de l’écrivaine hongroise Agota Kristof : récit d’une guerre sans nom qu’on perçoit à travers le journal qu’en livrent deux frères jumeaux abandonnés par leur mère chez leur grand-mère. Livrés à eux-mêmes aux côtés de cette vieille acariâtre et repoussante, dans un environnement qui leur devient de jour en jour plus hostile, les deux gamins opposent une indifférence de plus en plus inquiétante aux brimades et aux scènes hallucinantes dont ils sont les témoins (de la voisine s’envoyant en l’air avec le chien à l’exhumation du corps de la mère au fond du jardin). Dans cet enfer, les anges deviennent des monstres d’insensibilité. D’où le malaise distillé par le spectacle, avec un art consommé du crescendo, et du dépouillement : sur scène, deux chaises pour tout décor, et un duo d’acteurs – fantastiques Robin Arthur et Richard Lowdon… Le moins que l’on puisse dire est que Forced Entertainment refuse les effets, sinon celui, ravageur, d’un théâtre vidé de tout sentimentalisme, et fréquemment zébré d’un humour très noir.

Théâtre
16 > 19 Janvier
mer 16 jan / 20:00jeu 17 jan / 20:00ven 18 jan / 20:00sam 19 jan / 20:00
théâtre Garonne

durée 2h25
en anglais surtitré en français
de 10 à 25 €
The NotebookEntretien

Quelle est l’histoire de The Notebook ?
Tim Etchells : Originellement, The Notebook (Le Grand Cahier), est un roman d’Ágota Kristóf, une écrivaine hongroise, publié en 1986. C’est l’histoire de deux garçons, des jumeaux. L’action se déroule dans un pays européen qui n’est pas nommé, même si l’on sait que c’est de la Hongrie dont il s’agit. Pendant la Seconde Guerre mondiale, leur mère évacue ses deux fils de la ville où ils habitent. Les jeunes hommes se retrouvent alors à la campagne, chez leur grand-mère dont ils ignoraient presque l’existence. C’est une vieille dame acariâtre, méchante, avare, qui les tolère à peine chez elle. Dans ce roman, les enfants racontent leurs découvertes et leurs apprentissages, la difficulté de survivre dans un pays ravagé où le froid et la faim règnent en maître. Avec cette pièce, nous avons voulu raconter la fin de la guerre et ce qu’il s’ensuit.

Pourquoi avoir décidé d’adapter The Notebook au théâtre ?
Tim Etchells
: Les acteurs de Forced Entertainment et moi avions lu le livre à la fin des années 80, début des années 90. À ce moment-là, nous nous sommes dit que nous jouerions un jour The Notebook car nous avons tous été impressionnés par la puissance du texte, par son éclat et le côté visuel de son langage. Ce langage a joué un rôle essentiel dans le choix d’adapter la pièce. Il est à la fois très fort, simple et noir. Ágota Kristóf utilise une langue très imagée. Sa façon de raconter est visuelle. En lisant ses mots, les images apparaissent dans mon esprit. Ce sont des phrases simples, dépourvues d’émotions, ce qui paradoxalement les rend envoûtantes.

Vous décrivez The Notebook comme une pièce sur la brutalité et la survie, pourquoi ?
Tim Etchells : Oui, car la vie des deux garçons dans ce village est extrêmement violente. Il leur arrive des choses terribles, leur quotidien est très difficile, fait de cruautés à répétition. Mais ils essaient d’exister ensemble, de se protéger du monde extérieur et de la guerre. Cette pièce n’évoque pas seulement la guerre. Elle parle aussi de l’impact de la guerre sur les gens, sur ce que la population endure durant les conflits.

À quels acteurs avez-vous confié ces deux rôles ?
Tim Etchells : Les jumeaux sont interprétés par Richard Lowdon et Robin Arthur. Ce sont deux comédiens avec qui je collabore depuis plus de trente ans. Ils ont l’habitude de jouer ensemble, ils se connaissent par cœur. En général, ils jouent des personnages différents, avec une énergie différente. Là, ils sont en totale symbiose. C’était intéressant de les voir travailler sur une pièce où les personnages sont identiques et ne forment qu’un seul être. Ils parlent à l’unisson. Ils sont habillés exactement pareil. Ils prennent même leurs respirations au même moment pendant une grande partie de la pièce. Ce sont ces deux voix qui donnent un aspect théâtral et dynamique à la pièce.

Comment décririez-vous ces deux personnages ?
Tim Etchells
: Les deux garçons ne sont pas expressément nommés dans le livre. Ils parlent toujours en utilisant le nous. Même s’ils font parfois des choses différentes, ils se cachent constamment derrière leur unité, comme s’ils n’étaient qu’une seule personne. Ils nient leur individualité. Leur gémellité leur sert d’abri. Pour nous, c’est une narration assez étrange. On se rend vite compte de l’impossibilité du « nous » qu’ils proposent. Avec cette pièce, on découvre le monde à travers leurs yeux et grâce au carnet qu’ils tiennent. Comme un carnet secret d’adolescents. Ils y décrivent leurs expériences, mais bâtissent aussi leur propre prison. Ces jumeaux ont une relation fascinante avec l’univers dans lequel ils évoluent. Leur vision est très cynique. Pour eux, ce qui les entoure est rempli de violence, d’hypocrisie, de cruauté. Ils sont très critiques. Mais ils sont aussi un peu dérangés, il y a quelque chose de malsain dans leur approche du monde. Ils se sont donnés pour tâche de décrire ce monde sans aucun mot relevant du registre de l’émotion. Ils ne diront jamais « le soldat est gentil » ou « la ville est belle ». Ils veulent écrire sans jugement de valeur. Ils décrivent seulement ce qu’ils voient, sans aucun affect. Selon moi, cela rend la performance encore plus obsédante. Nous avons voulu essayer de garder cette neutralité en lisant simplement leur récit.

En quoi The Notebook est-elle une pièce qui convient à votre compagnie, Forced Entertainment ?
Tim Etchells
: C’est cette approche très simple et visuelle qui nous ressemble. Le côté minimaliste nous convient à merveille. Nous l’avons retranscrit dans une mise en scène très dépouillée. Finalement, nous avons fait peu de changements par rapport au livre. Nous en sommes restés très proches. Le thème a également été très important pour nous : cette aliénation dans une société très brutale. Un thème qui trouve écho dans le monde d’aujourd’hui.

The Notebook est donc une pièce actuelle et engagée ?
Tim Etchells
: Oui. L’œuvre est un miroir de notre société et de nos politiques actuelles. Elle parle de situations qui brutalisent des personnes, dans ce cas-là il s’agit de la guerre. Des situations qui les force à adopter des comportements étranges. Aujourd’hui, nous ne sommes pas dans une situation de guerre, mais nous sommes dans une société de plus en plus violente. Lorsque vous pensez à l’austérité, au racisme, à la xénophobie et l’islamophobie, le climat de peur ambiant, le contexte de pauvreté, les inégalités, le terrorisme... Culturellement et politiquement, nous sommes dans un moment d’une brutalité extrême. Avec cette pièce, nous invitons les spectateurs à se questionner sur le bien et le mal, sur le comportement des êtres humains dans des situations extrêmes…

Quel message voulez-vous faire passer ?
Tim Etchells
: Je ne veux pas vraiment faire passer de message. Ce que je veux, c’est recréer une situation. La pièce met le spectateur mal à l’aise, dans une situation difficile. C’est vraiment ce que j’aime dans ce genre de performance.

Vous dites que vous aimez cette pièce, car le spectateur n’est pas passif, c’est-à-dire ?
Tim Etchells
: The Notebook invite les spectateurs à réfléchir, pendant et après la pièce. Ils ont un travail intellectuel à faire. Ils doivent se faire leurs propres jugements tout le temps, car le texte refuse de le faire pour eux. C’est ce qui me plait le plus. Personnellement, je n’aime pas qu’on me livre du prêt-à-penser, je préfère effectuer mon propre chemin intellectuel. Je veux que ma capacité à me questionner, à raisonner, soit mise à l’épreuve. Donc je demande à mon public d’être actif et mentalement présent. Avec The Notebook, les spectateurs vont avoir de quoi s’occuper !

Est-ce que l’humour noir et subversif présent tout au long de la pièce est un des moyens de faire réfléchir les spectateurs ?
Tim Etchells
: Oui, sans aucun doute. Il y a une sorte d’ambiguïté entre l’horreur et le comique tout au long de la pièce. L’humour noir est un ressort que j’utilise dans plusieurs de mes pièces.

Quelles sont les caractéristiques de votre mise en scène ?
Tim Etchells : Ma mise en scène est dépouillée. Sur scène, il n’y a que deux chaises… Les personnages sont habillés de la même façon. J’ai procédé ainsi, car ce qui m’intéresse véritablement dans le livre, c’est l’acte de narration. Et la narration se fait par la voix des deux enfants qui ne forment qu’un. On ne voit que quelques différences entre les deux. Cette pièce est performative, les choses arrivent lorsqu’on les dit. Pas besoin d’en faire des tonnes autour. Le texte suffit. C’est pour ça qu’une mise en scène minimaliste donne beaucoup de force à la performance des acteurs et aux mots. Les spectateurs n’ont aucune échappatoire, pas même le décor.

Propos recueillis par Nadège Michaudet, mai 2016
 

The NotebookPresse

"Le Grand Cahier – le sombre conte de fées de Forced Entertainment sur la guerre et l’enfance.

Ce spectacle est basé sur l’histoire d’Agota Kristof qui élimine toute sentimentalité et présente le journal intime de jumeaux ayant survécu à la guerre

Forced Entertainment s’est rarement éloigné de la performance et du théâtre mais quand ils le font, le résultat est galvanisant, et rappelle la richesse du vocabulaire d’une compagnie qui a trente ans cette année et qui est toujours au top de sa forme. Dans l'histoire d'Agota Kristof qui raconte l'histoire de jeunes frères jumeaux envoyés chez leur grand-mère dans la campagne hongroise, pendant la Seconde Guerre mondiale, ils ont une seule et même histoire et un seul texte pour deux voix singulières et distinctives. Le roman de Kristof est organisé en courts passages ou scènes.

Vêtus à l'identique de costumes gris, de pulls et de lunettes magenta, Richard Lowdon et Robin Arthur lisent le scénario comme de jeunes enfants lisant leur propre journal, d’où le titre Le Grand Cahier. Ils sont eux-mêmes comme une ardoise vierge sur laquelle l'expérience - et les horreurs - de la guerre sont imprimées. Il y a une qualité de conte de fées : le chalet appartenant à la grand-mère, qui est qualifié de sorcière par les commérages des alentors, est à la lisière d'une forêt. La guerre souligne la cruauté de la population locale. Comme tous les enfants, les garçons sont des espions naturels. Mais ils décident d'apprendre de leurs observations et utilisent ce qu'ils découvrent pour leur propre survie. Dans un monde chaotique, ils réclament leur propre justice morale fondée sur un besoin absolu et une absence totale de sentimentalité.

Ce qui est fascinant dans la performance est la façon dont nous voyons les deux acteurs jouer les deux garçons qui se tiennent devant nous, mais nous n'entendons qu'une seule voix, une voix froidement impartiale. C'est une voix qui sonde et qui perturbe constamment. "Nous avons une règle très simple: la composition doit être vraie", disent les garçons à propos du contenu de leur cahier. Mais en temps de guerre, la vérité est l’une des toutes premières victimes et toutes les représentations de celle-ci sont suspectes. Qui sont les vrais monstres ici? C'est une soirée épineuse - pas facile, mais toujours fascinante."

               Lyn Gardner, The Guardian, 25 juin 2014

The NotebookPresse

EXTRAITS DE PRESSE

« Du grand théâtre, c’est un tel plaisir de voir Forced Entertainment trouver de nouvelles manières de travailler après trente ans de succès et d’enchantement. »

Dorothy Max Prior, Total Theatre Magazine

 

« C’est la première fois en trente ans que Forced Entertainment adapte un roman à la scène – le résultat est sans appel et hypnotique. »

The Stage

 

« Une pièce bien écrite, mise en scène simplement, utilisant seulement deux chaises et la proximité des acteurs dans l’espace. Arthur et Lowdon sont excellents ; apportant la gravité, la naïveté et l'insolence aux garçons ; formant un tandem si parfait qu’ils font presque qu’un. Pour une pièce qui essaie d'éviter et de dissiper les sentiments, c'est certainement l'une des pièces les plus émouvantes et les plus difficiles que j'ai jamais vues »

Chris White, Stage Talk Magazine, 2015

Portrait

Forced Entertainment occupe une place unique dans le théâtre britannique en tant que pionnier du théâtre expérimental et collectif. Ils se sont formés en 1984 et collaborent depuis lors pour explorer à la fois la vie contemporaine et les mécanismes du théâtre, créant ainsi une oeuvre de 30 ans de travaux qui repoussent sans cesse les limites de la performance. Leur marque de fabrique en matière de travail collectif- qui consiste à travailler après de longs mois d’improvisation et de discussion - a permis de créer une remarquable collaboration artistique à six voies entre les membres principaux. Leur travail incomparable leur a valu un succès critique et populaire, tout en faisant désormais partie intégrante des programmes scolaires dans le domaine des arts de la scène. Bien qu'ils restent résolument à Sheffield, ils sont continuellement invités à présenter leurs œuvres partout dans le monde dans des lieux prestigieux et des festivals.
La compagnie a présenté à Garonne Spectacular (2008), That Night Follows Day (2010), in pieces (2010) et The Thrill of It All (2012), The Quiet Volume avec Ant Hampton (2013)

Agota Kristof, est née en Hongrie en 1935 d’où elle fuira lors de la répression Soviétique en 1956 pour se réfugier en Suisse à Neuchâtel. Elle écrit des poèmes hongrois avant de s’expatrier, elle passe d’abord une longue période d’adaptation à son nouveau pays (apprentissage du français). Elle fera différents petits boulots : travail dans l’horlogerie, comme vendeuse, comme aide-dentaire, avant de commencer à écrire en français. Après quelques nouvelles restées à l’état de manuscrit, elle écrira des pièces de théâtre, avant de commencer sa trilogie, directement en français (la langue de son exil). « La trilogie des jumeaux » est composée du Grand Cahier, La Preuve, et Le Troisième Mensonge.