7 > 9 décembre

The Shadow Whose Prey the Hunter Becomes

Back to Back Theatre

The Shadow Whose Prey the Hunter Becomes

Back to Back Theatre [Australie / spectacle en anglais surtitré en français]

« Le spectacle The Shadow Whose Prey the Hunter Becomes est une pièce de théâtre de Back to Back Theatre, une compagnie de théâtre neurodiverse basée en Australie. Il met en scène cinq interprètes ayant une déficience intellectuelle qui explorent un monde dominé par l'intelligence artificielle et remettent en question ce qui relève de la normalité et du contrôle. La pièce est tout à la fois une exploration, une indignation et un avertissement de ce qui risque d’arriver. Elle a été jouée pour la première fois en 2019 et a été acclamée pour son honnêteté, son humour et sa subtilité. »

Les lignes précédentes ne sont pas le produit d’un cerveau humain : elles ont été générées par ChatGPT, ce robot conversationnel qui en cette année 2023 agite ingénieurs autant que philosophes, remet en cause les frontières entre éthique et technique, et attise les craintes d’un monde bientôt dominé par des machines.
Avec plusieurs années d’avance, dans une forme théâtrale d’une brillante simplicité et d’une mordante ironie, les acteurs de Back to Back nous interpelaient déjà avec ce spectacle d’une criante actualité, en adressant aux gens dits « normaux » la question suivante : et si demain, la puissance des intelligences artificielles faisait de nous toutes et tous des « déficients mentaux » ?

Théâtre
7 > 9 Décembre
jeu 7 déc / 20:00ven 8 déc / 20:30sam 9 déc / 17:30sam 9 déc / 20:30

durée 1h
Spectacle en anglais / surtitré en français
Tarifs A : généraux de 12 à 22 € / adhérent·es de 10 à 16 €
The Shadow Whose Prey the Hunter BecomesEntretien

Comment est né le désir de cette pièce ?

Bruce Gladwin : Après la lecture d’un article paru dans le New York Times, sur lequel je suis tombé un peu par hasard. Les journalistes rendaient compte d’un fait divers atroce qui s’est déroulé au fin fond de l’Iowa, aux États-Unis. Dans une usine de transformation de dinde, des directeurs avaient embauché trente-deux hommes avec des déficiences intellectuelles. Ces derniers avaient été arrachés aux institutions psychiatriques dans lesquelles ils vivaient pour travailler dans des conditions lamentables, proches de l’esclavage, avec un salaire de misère. Et ce pendant des dizaines d’années.
Notre compagnie, qui existe depuis les années quatre-vingt, a la particularité de mettre en scène des comédiennes et comédiens avec des déficiences intellectuelles. Nous avons trouvé que ce sujet-là était fort, dramatique, politique... Nous étions convaincus qu’il s’adressait à nous directement.
Dès lors, nous avons commencé par jouer ce qu’il s’est réelle- ment passé, dans cette usine sordide de l’Iowa. Mais cela ne marchait pas. Nous imitions des Américains, avec leur accent, leur façon d’être... L’histoire, pour des raisons culturelles, était trop loin de nous.
Lors d’une répétition, l’un des comédiens a pris la parole, expliquant pourquoi, malgré l’échec de la pièce que nous essayions de monter, le thème était important pour lui. Au fil de son intervention, il parlait simplement, comme un militant à vrai dire. Il était passionné, et extrêmement convaincant. Nous avons compris que pour traiter de la déficience mentale l’adresse directe au public était opérante. Et nous avons décidé de composer une pièce sur notre vécu.

Comment le spectacle s’est-il écrit ?

Bruce Gladwin : Il est né des conversations entre les acteurs, qui abordaient des sujets très personnels, leur expérience en tant que personne handicapée, mais aussi des sujets poli- tiques d’actualité qui leur tenaient à cœur : Black Lives Matter, #MeToo, la question des minorités...
Nous avons longuement réfléchi, ardemment débattu. Et tout enregistré. Ensuite, j’ai sélectionné ce qui m’a paru le plus in- téressant, et j’ai réordonné leur parole. Ainsi, les comédiennes et comédiens sont coauteurs de la pièce. C’est la première fois que nous travaillons de la sorte. Le dispositif, qui a l’allure d’une réunion publique dans une mairie, est conçu avec un grand dénuement : un plateau sans décor, quelques chaises posées en arc de cercle, cinq comédiens. Au fond, leur parole est tout ce qui compte. Mon rôle a consisté à sublimer leur voix, à la mettre en valeur.

La question de l’intelligence artificielle occupe une place centrale dans le spectacle. Comment ce sujet est-il arrivé sur la table ?

Bruce Gladwin : Il est intervenu naturellement. Nous sommes partis du postulat qu’avec l’avènement de l’intelligence artifi- cielle, qui sera nécessairement supérieure à celle de la norme, à terme, nous serons tous considérés comme des déficients intellectuels ; moins performants, moins efficaces, plus lents et plus faillibles que les machines.
Évidemment, notre rapport au monde changera du tout au tout : il faudra repenser le travail, réfléchir à l’autonomie, dé- jouer les pièges de l’asservissement.
Autant de problèmes auxquels sont déjà confrontés les dé- ficientes et déficients intellectuels. Ainsi, le public imagine qu’il va assister à une pièce sur une expérience qu’il ne le
concerne pas. Et rapidement, tout bascule. Le voilà interpellé. Le voilà dans le futur proche. L’empathie est immédiate. Les membres de notre compagnie ont beaucoup de choses à nous apprendre. Ils préfigurent notre quotidien à venir.

Quels sont les types de déficiences mentales des actrices et des acteurs ?

Bruce Gladwin : Ils sont divers. Scott Price, qui travaille avec nous depuis seize ans, est autiste. Simon Laherty, qui a rejoint la compagnie en 2003, souffre d’une dystrophie musculaire. Sarah Mainwaring s’est blessée au cerveau, elle collabore avec nous depuis quinze ans. Tous et toutes sont des actrices et des acteurs professionnels. Payés au-dessus du salaire de référence. Je tiens à ce qu’ils travaillent autant qu’ils le souhaitent, en tournée, dans le cadre d’ateliers...
Est-ce que cette pièce s’inscrit dans le genre du théâtre documentaire ?
Bruce Gladwin : Non, c’est un vrai travail de fiction, même si nous partons du vécu, malgré le dénuement du dispositif. Certes, la frontière est un peu floue, car l’adresse directe au public est empreinte de réalisme. Mais ce sont bien des per- sonnages sur scène... La question est intéressante, parce que pour le grand public, les handicapés mentaux apparaissent quasi exclusivement dans des documentaires. Les specta- teurs ont toujours beaucoup de mal imaginer que ces derniers puissent figurer dans une fiction.

Quelle place occupe votre compagnie dans le théâtre aus- tralien actuel ?

Bruce Gladwin : Nous sommes une vieille compagnie. Je suis le quatrième directeur artistique de Back to Back Theatre ; j’y travaille depuis vingt-trois ans. Nous jouons nos spectacles dans le monde entier, à New York, Montréal, Paris, Rotterdam... Et il me semble que nous occupons une place centrale dans le théâtre australien.
Quand j’ai découvert ce que faisaient Back to Back Theatre, ce fut une vraie révélation. D’une part, j’entendais ces personnes que je ne connaissais pas. En Australie, celles-ci étaient cloî- trées dans des institutions psychiatriques. Leurs histoires de vies étaient incroyables, passionnantes, souvent révoltantes. D’autre part, le travail effectué au plateau était dément. J’avais l’impression d’assister à l’émergence d’un nouveau mouvement artistique. L’art brut au théâtre, en quelque sorte.
Nous sommes très influencés par la philosophie européenne, et française en particulier ; je pense à Michel Foucault par exemple. Pour moi, la question éthique – comment bien tra- vailler ? –, rejoint la question artistique – comment créer une belle pièce ? –. Mais je n’ai absolument pas le sentiment de faire du théâtre social. J’y trouve mon compte pour des raisons purement esthétiques. Je suis un metteur en scène comblé.

Propos recueillis par Igor Hansen-Love pour le Festival d'Automne

Presse

"Comment décrire le théâtre de Back to Back ? Il s'agit d'un travail qui fait tomber les faux-semblants qui nous habitent, une sorte de nettoyage psychique qui génère un bref sentiment fugitif de liberté et de joie. À la fin, le public se retrouve face à lui-même. Le voyeurisme qui nous fait honte. La cruauté qui découle de la haine de soi. Les conflits qui nous exposent. Le fascisme qui germe dans la tyrannie des bien-pensants. Notre insoutenable fragilité. Notre mortalité."

Alison Croggon, Melbourne, 2022

"Leurs performances sont à la fois une réflexion sur la manière dont la domination est intériorisée et reproduite sous forme de violence indirecte - comment le pouvoir peut fracturer notre potentiel de parenté et d'affinités - et une représentation d'expériences dévastatrices vécues face à la cruauté humaine."

Alison Croggon, Melbourne, 2021

"The Shadow Whose Prey the Hunter Becomes dénonce l'exploitation des personnes handicapées et perpétue la tradition du Back to Back Theater en créant des œuvres toujours aussi novatrices."

Alison Croggon, Melbourne, 2019

Portrait

Bruce Gladwin / Back to Back Theatre

Bruce Gladwin, artiste et metteur en scène australien, est le directeur artistique du Back to Back Theatre depuis 1999. La compagnie se donne pour mission de produire des œuvres qui remettent en question le champ des possibilités du théâtre, travaillant entre autres avec des acteurs en situation de handicap. Bruce Gladwin y a notamment créé Mental (1999), Dog Farm (2000), Soft (2002), small metal objects (2005), Food court (2008), The Democratic Set (2009), Ganesh Versus the Third Reich (2011), Super Discount (2013), et Lady Eats Apple (2016). Ces pièces ont été présentées dans plusieurs festivals internationaux, parmi lesquels le London International Festival of Theatre, le Philadelphia Live Arts Festival, le Kunstenfestivaldesarts, Le Perth International Arts Festival et la Quadriennale de Prague.
En 2015, Bruce Gladwin a été distingué par l’Australia Council for the Arts pour ses contributions dans le domaine du théâtre.

The Shadow Whose Prey the Hunter BecomesGénérique

auteurs Mark Deans, Michael Chan, Bruce Gladwin, Simon Laherty, Sarah Mainwaring, Scott Price, Sonia Teuben
mise en scène Bruce Gladwin
avec Simon Laherty, Sarah Mainwaring, Scott Price
composition Luke Howard Trio – Daniel Farrugia, Luke Howard, Jonathon Zion
création sonore Lachlan Carrick
création lumière Andrew Livingston, bluebottle
design écran Rhian Hinkley, lowercase
création costumes Shio Otani
voice over - intelligence artificielle Belinda McClory
développement créatif Michael Chan, Mark Cuthbertson, Mark Deans, Rhian Hinkley, Bruce Gladwin, Simon Laherty, Pippin Latham, Andrew Livingston, Sarah Mainwaring, Victoria Marshall, Scott Price, Brian Tilley, Sonia Teuben

directrice de tournée Tamara Searle
régisseuse plateau Alana Hoggart
ingénieur du son Eugene McKinnon
manager de la compagnie Erin Watson
producteur principal Bao Ngouansavanh
directeur de production Tanya Bennett
producteur exécutif Tim Stitz

traduction française Kunstenfestivaldesarts
surtitrage Alana Hoggart, Benjamin Ducrot

The Shadow Whose Prey the Hunter Becomes est une commande conjointe de Carriageworks, Theater der Welt, Düsseldorf 2020, la Keir Foundation, la ThyneReid Foundation et la Anthony Costa Foundation, soutenue par Creative Partnerships Australia par le biais de Plus 1
avec le soutien au développement du Geelong Arts Centre, Arts Centre Melbourne, Melbourne International Arts Festival, la Une Parkinson Foundation, The Public Theater (New York) et ArtsEmerson (Boston).
The Shadow Whose Prey the Hunter Becomes a été développé, en partie, au Sundance Theatre Lab 2019 au MASS MoCA.
Back to Back Theatre est soutenu par le gouvernement australien par l'intermédiaire de Creative Australia, et de la ville de Greater Geelong.
créé en 2019 au Carriageworks, Sydney, Australie