29 mars > 9 avril

UN VIVANT QUI PASSE

Claude Lanzmann / Nicolas Bouchaud / Éric Didry / Véronique Timsit

Dossier de presse

Un vivant qui passe

Claude Lanzmann
Nicolas Bouchaud / Eric Didry / Véronique Timsit

« L'histoire ne doit pas être seulement commémorée, elle peut et doit se transmettre autrement, à travers des gestes, comme celui de jouer. »
Nicolas Bouchaud

Un vivant qui passe... C'est l’image par laquelle le réalisateur Claude Lanzmann résume ce qu’ont dû voir les déportés du ghetto de Theresienstadt en 1944, tandis qu’ils jouaient une sinistre mise en scène orchestrée par les nazis à destination de Maurice Roussel, alors jeune délégué du Comité international de la Croix-Rouge à Berlin. Ce ghetto tchécoslovaque avait en effet été « embelli » pour effacer les traces de la barbarie aux yeux du visiteur, donnant l’image d’un « camp modèle » où les Juifs étaient correctement traités, tandis qu’il se trouvait être la dernière étape avant les camps d’extermination. Au cours de son entretien avec Claude Lanzmann en 1979, pendant le tournage de Shoah, Maurice Roussel revient sur son aveuglement. Une discussion en tension, un combat en sourdine pour faire sortir la parole, où les deux hommes s’observent, se mesurent, pèsent leurs mots, et qui devint un documentaire en 1997. Le traiter au théâtre, c’est se mettre plus près encore des hommes, de leur complexité et de leur souffle. Et voir se dessiner ces questions vertigineuses : comment peut-on ne pas voir, qu’est-ce que cela dit de soi, de la pression du contexte ? Qu’est-ce que cela dit de l’essence même du regard ?

Théâtre
29 Mars > 9 Avril
mar 29 mar / 20:00mer 30 mar / 20:00jeu 31 mar / 20:00ven 8 avr / 20:30sam 9 avr / 20:30

durée 1h30
une production Otto Productions / théâtre Garonne
Un vivant qui passe NOTE D'INTENTION

Depuis l’année 2010, j’ai entrepris, avec la même équipe de création, une série de spectacles à partir de textes non théâtraux : une interview de Serge Daney à propos du cinéma, un livre de John Berger à propos d’un médecin de campagne, une conférence de Paul Celan sur la poésie et un roman de Thomas Bernhard sur notre rapport à l’art et au deuil.
C’est le désir de transmission qui est à l’origine de ces spectacles.
Il en va de même pour « Un vivant qui passe ».
Je crois avoir vu le film avant de lire le livre. J’ai acquis la conviction, au bout de trente ans de pratique théâtrale que la scène apporte un tout autre éclairage à un matériau écrit ou filmique.
Surtout quand il n’est pas, au départ, destiné au théâtre.
Lorsque l’opération est réussie, un rapprochement s’opère avec le spectateur.
La nature de son attention devient tout autre que lorsqu’il est face au livre ou à l’écran. Il m’est parfois arrivé de percevoir un dialogue silencieux entre des spectateurs réunis dans une salle de théâtre.
C’est cette conversation secrète que j’aime susciter en jouant.
Il y a une force dramaturgique indéniable dans « Un vivant qui passe ».
Je parle de ce combat qui sourd de l’échange entre Claude Lanzmann et Maurice Rossel. Mais c’est encore autre chose qui me donne envie de travailler sur cet entretien. Je veux parler des questions éminemment complexes qu’il pose et qui tiennent, en partie, à la personnalité de Maurice Rossel.
Rossel n’est ni un survivant des camps d’extermination, ni un nazi.
Il est d’une certaine façon celui que nous pourrions tous être ou que nous avons peut-être déjà été. Rossel c’est celui qui a vu et qui n’a rien vu. C’est celui qui, par deux fois, à Auschwitz et à Theresienstadt s’est retrouvé au cœur de la barbarie nazie et qui n’a pas voulu voir. Il dit qu’il ne savait pas. Il dit même que les prisonniers auraient pu, au moins, lui envoyer un signe.
Lorsque nous l’écoutons, nous sommes parfois saisis d’effroi, mais nous ne savons pas immédiatement pourquoi. C’est cette zone grise qui m’intéresse.
Rossel est la meilleure incarnation de ce qui, dans nos vies, nous guette à chaque instant. La meilleure incarnation de ce qu’on voit, de ce qu’on sent parfois tout autour de nous. Un racisme ordinaire, un antisémitisme larvé. La haine de l’autre, qu’elle soit raciale, économique ou culturelle.

Qu’est-ce que voir ? C’est l’une des questions que nous pose le livre à travers le récit des deux visites de Rossel dans les camps d’extermination nazis.
Qu’est-ce que voir ? C’est la question que conduit Claude Lanzmann à travers son échange avec Rossel.
Qu’est-ce que voir ? C’est aussi une question qui se pose à toute pratique artistique. Nous savons qu’un grand documentaire comme « Un vivant qui passe » est autant un geste éthique qu’esthétique. Et par conséquent si l’on veut, à l’instar de Claude Lanzmann, dévoiler la vérité sur la machine de mort nazie, nous devons nous demander : comment la montrer ? Ou plus exactement : Comment en parler ? Comment la raconter ?
C’est une question que je me pose sans cesse en tant qu’acteur.
J’ai, pour finir, la conviction depuis mon travail sur la poésie de Paul Celan que la catastrophe d’Auschwitz n’est pas le point d’arrivée de la barbarie humaine, mais son point de départ. Un point à partir duquel il nous faut arriver à penser et à créer. Je partage avec Imre Kertesz l’idée qu’il y a une culture de la Shoah.
« L’ombre profonde de l’Holocauste recouvre toute la civilisation dans laquelle il a eu lieu et qui doit continuer à vivre avec le poids de cet événement et de ses conséquences » (L’Holocauste comme culture, 1993).
Cette culture de la Shoah n’est pas uniquement commémorative. Elle peut et doit continuer à se transmettre autrement. À travers des gestes.
Comme celui de jouer.

Nicolas Bouchaud

Un vivant qui passe BIOGRAPHIES

NICOLAS BOUCHAUD, interprète

Comédien depuis 1991, Nicolas Bouchaud travaille d’abord sous les directions d’Étienne Pommeret et Philippe Honoré. Puis il rencontre Didier-Georges Gabily qui l’engage pour plusieurs de ses spectacles, dont Dom Juan, programmé à Garonne en 1996. Il joue ensuite sous la direction de Yann-Joël Collin, Claudine Hunault, Hubert Colas, Bernard Sobel, Rodrigo Garcia ou encore Christophe Perton, et participe à L’Utopie fatigue les escargots des Dromesko. Il est l’interpète principal de toutes les mises en scène de théâtre de Jean-François Sivadier depuis 1998. Depuis 2010, avec Éric Didry et Véronique Timsit, il développe des spectacles à partir de matières non destinées au théâtre. Au cinéma, il tourne entre autres avec Jacques Rivette, Pierre Salvadori, Jean-Paul Civeyrac. En 2013 paraît chez Actes Sud Sauver le moment, une réflexion sur sa pratique du théâtre. En 2018, il est accueilli à Garonne pour sa trilogie Daney / Celan / Bernhard : La Loi du marcheur, Le Méridien et Maîtres anciens.

 

FRÉDÉRIC NOAILLE, interprète

Il effectue sa formation au studio d’Asnières et au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, promotion 2009. Il a joué avec le collectif Das Plateau, Benjamin Abitan, Arpàd Schilling, Jeanne Candel, Adrien Lamande ou encore Jean-Paul Wenzel. Depuis 2013, il participe aux spectacles initiés par Sylvain Creuzevault : Le Capital et son singe, Angelus Novus Antifaust, Construire un feu, Les Démons, Le Grand Inquisiteur et Les frères Karamazov. Il a ainsi plusieurs fois été accueilli à Garonne. Au cinéma, il tourne sous la direction de Dominik Moll, les sœurs Coulin, Jean-Paul Civeyrac, Christophe Honoré et Sandrine Kiberlain. À la télévision il joue dans les séries Engrenages réalisée par Jean-Marc Brondolo et À l’intérieur réalisée par Vincent Lannoo.

 

VÉRONIQUE TIMSIT, dramaturge

Depuis 1991, elle est successivement assistante à la mise en scène de Philippe Honoré, Luc Bondy, Klaus-Michael Grüber, Didier-Georges Gabily, Claudine Hunault, Serge Tranvouez et Jean Bouchaud. Elle a également adapté et mis en scène Le Livre des bêtes d’après Raymond Lulle, ainsi que Zoo d’après Viktor Chklovski. Collaboratrice artistique de Jean-François Sivadier, elle l’assiste pour toutes ses mises en scène de théâtre et d’opéra depuis 1998. Depuis 2010, elle est la collaboratrice de Nicolas Bouchaud et Éric Didry pour des spectacles à partir de matières non initialement destinées au théâtre : La Loi du marcheur (entretien avec Serge Daney), Un métier idéal d’après John Berger, Le Méridien d’après Paul Celan et Maîtres Anciens d’après Thomas Bernhard. Elle collabore également en 2017 à la création d’El Baile auprès de Mathilde Monnier et Alan Pauls.

 

ÉRIC DIDRY, metteur en scène

Formé auprès de Claude Régy, comme auditeur au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris, puis comme assistant à   la   mise   en   scène, il fut est également lecteur pour les Ateliers contemporains (direction Claude Régy). De 1989 à 1993, il est collaborateur artistique de Pascal Rambert, puis cherche à élargir le champ théâtral en créant de nouvelles dramaturgies. : il créé Boltanski/Interview d’après une émission de France Culture, puis Récits/Reconstitutions, spectacle de récits d’expériences personnelles, au Théâtre Gérard Philipe de Saint Denis en 1998. En 2003, il met en scène un récit de Erri de Luca Non ora, non qui/ Pas maintenant, pas ici. Depuis 2010, il met en scène plusieurs projets de Nicolas Bouchaud : La Loi du marcheur (entretien avec Serge Daney), Un Métier idéal d’après John Berger et Jean Mohr (2013), Le Méridien de Paul Celan (2015) et Maitres anciens d’après Thomas Bernhard (2017). Par ailleurs, il crée en 2012 Qui vive, un spectacle conçu avec le magicien Thierry Collet qu’il retrouve pour Dans la peau d’un magicien en 2017. Il collabore également avec d’autres artistes comme les chorégraphes Sylvain Prunenec et Loïc Touzé, le concepteur son Manuel Coursin, le poète sonore Anne-James Chaton. Il est collaborateur artistique de Simon Gauchet sur L’expérience de l’arbre créé au Festival du Théâtre National de Bretagne en novembre 2019. La pédagogie tient également une place importante dans son travail, en France et à l’étranger, notamment en Amérique du Sud.

Un vivant qui passe Presse

 

« L’adaptation du documentaire de Claude Lanzmann sur l’aveuglement d’un délégué de la Croix-Rouge lors de sa visite du camp d’Auschwitz et du ghetto de Theresienstadt est mise en scène de façon redoutablement intelligente, allant au-delà de la cruelle lucidité de l’œuvre originale. » Anne Diatkine, Libération

 

« Il y a quelque chose d’intensément théâtral dans les faits, ce dialogue et cette volonté de mettre en scène la réalité et l’Histoire. Décors en trompe l’œil pour une vérité en trompe l’œil.  La mise en scène joue de cette perspective, de cette mise en abyme vertigineuse qui voit l’illusion au fil du dialogue céder le pas à la réalité. Et Nicolas Bouchaud qui incarne ici Maurice Rossel, donnant à celui-ci une certaine banalité est d’une justesse terrifiante. Ni bourreau, ni héros, ni victime il est avant tout ce fonctionnaire obtus, ainsi se présente-il, qui ne faisait que son devoir et qui n’a pas su voir « au-delà ». Se dégageant de fait et fermement de toute responsabilité. Et c’est glaçant jusqu’au malaise. Face à lui, le jeune Frédéric Noaille impose un Lanzmann charmeur mais têtu et redoutable interviewer. Maurice Rossel est celui qui est passé à côté de son destin héroïque, du témoin capital, mais révèle malgré lui ce que soulignait Hannah Arendt lors du procès Eichmann, la banalité du mal, à savoir la culpabilité de ceux qui loin du pouvoir, alors qu’ils en avaient les moyens, n’ont rien fait. Une cécité tragique. Qui pose question encore aujourd’hui, plus que jamais. » Denis Sanglard, Un Fauteuil pour l’orchestre

 

« Le Rossel de Nicolas Bouchaud possède une sincérité certaine. L’homme s’en veut. On le ressent. Mais il a baigné dans une culture ambigüe : les personnes juives, « israélites » comme il le dit, n’étaient pas très bien vues, dans son monde. Mais il est clairement du côté du combat. Il se fait avoir, épouvantablement. Il y a quelque chose d’une chorégraphie dans cet affrontement sur fond de bibliothèque. Thierry Thieû Niang, présent dans les remerciements, a visiblement donné des conseils…Cela allège la représentation qui échappe ainsi au côté dossier historique. N’en disons pas plus, mais les deux interprètes vont même plus loin, s’appuyant sur des activités qui existaient dans les camps. » Armelle Héliot, Le Journal D’Armelle Héliot

 

« Le jeu d’acteur de Nicolas Bouchaud est fascinant : regards fuyants, gestes contraints. Son incarnation du personnage permet de mieux comprendre le comportement de Maurice Rossel. Un vivant qui passe montre toute la force du théâtre quand il questionne les faits. La distanciation permet d’avoir le recul nécessaire, l’incarnation de notre humanité nous interpelle directement. À voir absolument. » M. A. , L’Étoffe des songes

 

« Parfois debout, parfois assis, chantant et dansant à l’occasion, Nicolas Bouchaud et Frédéric Noaille ne trouvent pas le ton et la présence qui pourraient rendre compte d’un sujet qui, évidemment, oblige. Infamie du sous-texte, des arrière-pensées, radicalité d’un face-à-face que Claude Lanzmann mène d’une main de maître, Un Vivant qui passe nous place devant un homme qui n’a pas voulu voir et dénoncer la mise en scène que les nazis avaient organisée pour sa vue à Theresienstadt. Plus de 30 ans après les faits, il répand encore des propos qui tiennent du plus pur antisémitisme. On devrait être en apnée durant une rencontre d’une telle valeur et d’une telle complexité. Mais le spectacle avance sans qu’aucune paralysie ne s’impose. » Manuel Piolat Soleymat, La Terrasse

 

« Quand Lanzman le rencontre, c’est un homme âgé à la mémoire claire et obscure. Il le presse de questions, le soupçonne de n’avoir voulu rien voir, de ne pas avoir sentir l’odeur des fours crématoires, de n’avoir pas songé un instant qu’on avait mis en scène sa visite à l’exemple des villages Potemkine de la Russie tsariste. Lanzman frappe, vise le foie, l’estomac, tente un crochet au menton. Rossel encaisse, esquive, cherche la parade, il semble un instant sonné mais ne tombe pas à terre. Le théâtre reprendra le dessus sur le tard pour aérer l’atmosphère et détendre les gorges serrées, telles ces pin-ups en petite tenue qui défilent sur le ring en tenant entre leurs mains une pancarte annonçant le numéro du prochain round. Par deux fois les deux acteurs se livrent à un numéro burlesque et chantent, On est au théâtre, non ? », Jean-Pierre Thibaudat, Le Club Mediapart

 

« La mise en scène d’Eric Didry, nourrie des rushes de Shoah, propose « la visite de la visite » et élargit la perspective au contexte historique où plane la suspicion de mensonges. Ce n’est certainement pas un hasard si le CICR lui a demandé d’enquêter au-delà des apparences, mais cela n’étonne pas Rossel pour autant. Les deux comédiens élaborent un dialogue tendu, une joute polie en terrain miné. Lanzmann (Frédéric Noaille), sur un ton courtois, ne lâche pas sa proie tout en veillant à ne pas provoquer directement son interlocuteur qui mettrait fin à l’entretien, mais, de question en question, le traque un peu plus. Rossel (Nicolas Bouchaud), véritable ventre mou, s’embrouille souvent, montre des signes de malaise, et tout à coup affirme de manière péremptoire des positions intenables qui l’accusent à son insu, révélant la profonde médiocrité de l’exécutant passif dont le rapport qualifié de « rose » par Lanzmann, sera un blanc-seing pour poursuivre les déportations. » Corinne Denaille, Webthéâtre

 

« Mais attention, Un vivant qui passe n’est pas une pièce documentaire, c’est une pièce qui part du documentaire pour faire agir la parole, la rendre théâtrale. Il est glaçant de voir les comédiens s’enfoncer dans ces mises en abime infinies : le mensonge de Terezin, la parole du témoin de ce faux lieu, dupé, et la question si cruciale de la mémoire des témoins qui ne sont que des vivants après tout. Et celui-là n’est ni mieux ni pire, il était là, c’est tout, et pour l’éternité, il n’aura rien vu dans le temple de la mort. » Amélie Blaustein Niddam, Toute la Culture

Un vivant qui passe Générique

un projet de Nicolas Bouchaud
d’après l’œuvre éponyme de Claude Lanzmann
adaptation Nicolas Bouchaud, Eric Didry, Véronique Timsit
mise en scène Éric Didry
collaboration artistique Véronique Timsit
interprètes Nicolas Bouchaud et Frédéric Noaille
scénographie et costumes Elise Capdenat & Pia de Compiègne
peintres Éric Gazille & Matthieu Lemarié
créateur lumière Philippe Berthomé en collaboration avec Jean-Jacques Beaudouin
créateur son Manuel Coursin
régie générale Ronan Cahoreau-Gallier
régie lumière Jean-Jacques Beaudoin
production déléguée Otto Productions et Théâtre Garonne - scène européenne, Toulouse

coproduction Festival d’automne - Paris, Théâtre de la Bastille, La Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale, Bonlieu Scène Nationale d’Annecy, Théâtre National de Nice, La Comédie de Caen CDN
avec le soutien de La Villette, Paris (accueil en résidence), remerciements à Beth Holgate & Swisskoo
diffusion Nicolas Roux - Otto Productions

création le 17 septembre 2021 à Bonlieu Scène nationale d’Annecy