21 sept > 1er oct 2022

J'accepte

de Charles Robinson
Groupe Merci

Dossier de presse

J'accepte

Charles Robinson
Groupe Merci

J’accepte est une fiction d’anticipation d’un avenir effrayant mais néanmoins drôle et rassurant parce que dysfonctionnel. Fruit d’une coécriture du Groupe Merci avec Charles Robinson, la pièce est issue d’un processus de création réinventé tant pour la compagnie que pour l’auteur. De cette singulière écriture émerge un voyage physique dans un vrai/faux monde, en compagnie de quatre personnages robotiques et paradoxalement très humains. D’hologrammes en figures humaines déréglées habitant leurs espaces imaginaires et leur folie, tout le défi de J’accepte est de faire de la question du virtuel un théâtre de chair et d’os, de manière complètement artisanale.

Le Groupe Merci met en scène depuis longtemps déjà des spectacles en prise avec des questionnements politiques et anthropologiques : Colère ! (2006), À notre chère disparue, la démocratie (2011), Programme (présenté à Garonne en 2019). La rencontre en 2010 de la compagnie avec Charles Robinson donne lieu à une première collaboration autour de l’adaptation d’un ouvrage de l’auteur, Génie du proxénétisme, critique affirmée du capitalisme moderne. Avec J’accepte, auteur et metteurs en scène viennent nous questionner sur la place de la « révolution numérique » dans notre quotidien et posent la question de « ce qui va sans nul doute modeler notre humanité à venir : nos identités numériques » (Joël Fesel).

Théâtre
21 Septembre > 1 Octobre
mer 21 sep / 20:00jeu 22 sep / 20:00ven 23 sep / 20:30sam 24 sep / 20:30mer 28 sep / 20:00jeu 29 sep / 20:00ven 30 sep / 20:30sam 1 oct / 20:30
présenté avec le Théâtre Sorano – scène conventionnée

durée 1h15
création / coproduction Garonne
Tarif généraux de 12 à 20 € / Tarifs adhérent·es de 10 à 15 €
Logo SoranoLogo Fondoc
J'accepteNote climatique de l'auteur

Je tourne, poisson
dans l’aquarium numérique,
au milieu du corail
des dispositifs qui surveillent.
Mes désirs flottent,
léchés par de longues algues
codées de bout en bout.
Je baigne dans la langueur
lumineuse et J’ACCEPTE.

J’accepte.

Dans une hypothèse enchantée, nous quitterions de temps en temps nos existences pour nous projeter ailleurs : des univers étranges, joueurs, repeuplés de nouvelles figures : des univers numériques. Nos vies auraient ainsi accès, à volonté, à des extensions troubles. Nous aurions la latitude de devenir des personnages de Philip K. Dick.

Revenus au bon vieux réel, les pieds dans le gras de la terre, sur le bitume, dans nos cuisines, nous garderions dans les coeurs une sorte de petite clandestinité pour ces vies virtuelles qui auraient été les nôtres.
Hé bien, ce n’est pas du tout comme ça que ça s’est passé.

Ces vies virtuelles sont descendues en nous. Absolument. Elles ont infusé dans nos appartements, nos cuisines, converti nos bitumes, déboussolé nos terres.

À présent, nous sommes réellement altérés. Des virtuels nous bipent, nous sermonnent, nous conseillent, nous rappellent à l’ordre, nous enjoignent, nous scrutent, nous évaluent, nous boostent.

Nous sommes débordés par tout ce qui piapiate, tout ce qui annonce, tout ce qui commente, tout ce qui décompte. Nos pas dans la rue, nos pulsations cardiaques, nos agios, nos liens, nos consommations, les jours qui nous restent.
Si l’on en croit la sarabande infinie des chiffres, c’est nous qui avons été numérisés : computés.
Nos secrets, nos pensées, nos séductions, nos péchés se détachent en longues bandes de chiffres, de codes, cryptés : ce qui veut dire que, nous, nous ne savons même plus les lire.

Nous sommes tétanisés. Ce monde qui bruite est un désert. Dans le boucan, notre solitude paraît de plus en plus étendue, et la traversée improbable, pour trouver, de l’autre bord, d’un autre côté, un bras réel à accrocher.

Qu’est-ce qui reste réel ?
Certains virtuels sont même nos amis.
Nous sommes assistés.
Nous sommes augmentés.

​Nous sommes des parachutistes, harnachés de capteurs, de tirettes, de casques, de lunettes, de poches, de trucs et de bidules. Et nous n’avons peut-être jamais été aussi handicapés. Nous sentons de moins en moins le vol, de mieux en mieux la chute.
Nos assistants sont domestiques, psychologiques, miniatures, dans la poche.

Face à leur inquiétante présence, de plus en plus concrète, nous sommes réduits aux crises de nerfs (pourquoi ça marche pas !), à la dépression (oh j’en peux plus !), ou à la négociation, et alors nous disons :

J’accepte. J’accepte.
J’accepte.

Pour obtenir la paix un moment. Pour écarter cette nouvelle sollicitation, cette nouvelle fenêtre, cette recommandation, ce renouvellement.
Parce que là il faut absolument pouvoir, un moment, nous concentrer encore. Pour pouvoir reprendre un moment le cours de nos vies.
Et ces cours détournés, où nous mènent-ils ?

J’accepte d’être chevauché par un nouveau démon.
J’accepte de ne pas recevoir davantage de grâce.
J’accepte l’obscurité du monde.
J’accepte d’avoir peur davantage et j’accepte la médication.
J’accepte d’être hanté.
J’accepte d’être vidé.
J’accepte la fin du monde prochaine (je coche la case : pas ma génération).
J’accepte le stage déconnexion, deux jours tout compris.
J’accepte les obsèques de mamie dans le cloud.

Au moins nous avons renouvelé le chant des terreurs mystiques : Oh putain, j’ai oublié le chargeur !

Charles Robinson

Le Groupe Merci, piloté aujourd'hui par Joël Fesel, retrouve l'auteur Charles Robinson pour la création de J'accepte, sur nos expériences numériques.
Propos recueillis par Sarah Authesserre.

J’accepte est le fruit d’une coécriture entre le Groupe Merci et Charles Robinson.
Cela signifie qu’il ne s’agit pas d’une commande d’écriture ?

Charles Robinson : Effectivement, si l’on m’avait passé une commande d’écriture, j’aurais travaillé seul un texte que j'aurais remis au Groupe Merci clef en main. Or, nous avons voulu œuvrer autrement. Avec l’équipe, nous avons mis en place un laboratoire intitulé In Cookies Project où nous avons inventé ensemble des choses en direct au plateau. Pendant les premiers mois de la création, j’ai proposé comme base de travail aux comédien·nes des petits découpages de textes dont ils pouvaient se saisir. Ces « prototypes » de texte plutôt concrets m’ont permis de tester avec eux des choses de l’ordre de la langue, de situations, de personnages, d’enjeux narratifs… J’avais besoin de cibler là où ça peut faire création collective. Nous avons eu aussi beaucoup de discussions autour de nos inquiétudes, sur la question du numérique mais aussi du politique, afin de trouver un imaginaire commun. Ensuite, j’ai finalisé un texte et je les ai laissé s’envoler avec ! Depuis, les éditions Espace 34 ont annoncé une publication de la pièce pour 2023.

Joël Fesel : Nous avions déjà travaillé avec des auteurs mais jamais dans une telle proximité. Le plateau est devenu l’établi d’une pensée à usiner. Pour Merci, ce compagnonnage a été vraiment une façon autre de travailler. Nous avions ce désir de voir comment nous étions en adéquation sur ce genre d’inquiétudes.

Justement, quelles inquiétudes soulève J’accepte ?

J. F. : J’accepte vient de questionnements sur notre utilisation des instruments numériques. Nous sommes sans arrêt en train de cliquer en ayant conscience que nos données sont captées à chacun de nos clics, mais sans réellement savoir à quoi ça sert, où ça va… Tout ce mystère est inquiétant. Et pourtant l’économie actuelle se joue dans nos clics quotidiens. On est constamment cerné, on nous revend nos propres données, on devance même nos désirs... Cette question politique de la prédation par ces nouveaux dispositifs était au coeur de notre inquiétude : que signifie cette démarche « d’accepter » tout le temps ? Puis s'est posée ensuite la question compliquée du traitement de ce thème au plateau. Il fallait trouver une dramaturgie dans toute cette matière apportée par le travail avec Charles Robinson.

Comment avez-vous géré cette tension entre l’abstraction de votre sujet et l’incarnation théâtrale, vivante, humaine ?

J. F. : Le point d’entrée pour moi a été la gestion de l’espace. En tant que scénographe et plasticien, j’ai besoin de voir l’espaced’incarnation, de créer le dispositif dans lequel nos corps et nos pensées sont enchâssés. Et ici le dispositif nous conduit clairement à une résignation de l’acceptation. J’ai tiré cette problématique du numérique vers un champs assez tragique ; on n’en réchappera pas. Même si ça dérape dans le burlesque, J’accepte est une tragédie. Et c’est posé dès le départ.

C. R. : L’imaginaire qui nous rassemblait tous avait à voir avec un espace proche des limbes numériques, d’un fond de cloud. Les personnages sont capturés dans ces limbes. Car, il s’avère que malgré notre utilisation quotidienne du numérique, nous ignorons comment fonctionnent nos ordinateurs ou nos iPhones. Et si nous paniquons face à ces instruments, nous paniquons tout autant face à la défaite globale de la démocratie, au dérèglement économique et climatique, à l’effondrement de nos sociétés. Numérique, politique, tout cela nous mène au même endroit de superstition ! C'est cette peur devant quelque chose de diabolique qui les intoxique que portent les personnages de J’accepte.

Quelle expérience souhaitez-vous faire traverser au public ?

J. F. : Nous voudrions que les spectateurs vivent un trouble. Nous les convoquons à la traversée d’un poème visuel et dramatique, sensoriel dont la question centrale est : « Qu’abdique-t-on chaque jour de notre humanité ? » Et cela se passera sur une scène de théâtre. Finalement, jouer sur un plateau pour nous est quelque chose de nouveau ! On va s’amuser avec ça !

Presse

Dans leur 29e objet nocturne (c’est ainsi que l’on nomme les créations du Groupe Merci), la compagnie s’attarde sur notre subordination au virtuel. Après Je suis Fassbinder (2019) qui interrogeait l’identité européenne, elle remet en cause dans J’accepte la prééminence des algorithmes dans nos existences.

Surveillance de masse, algorithmes, cookies, données personnelles… Ces éléments de langage bien connus de tous sont difficiles à esquiver, quand ce n’est pas impossible. Pour Charles Robinson, coécrivain de cette création avec le Groupe Merci, nous sommes « altérés par le virtuel qui nous scrute, nous donne des ordres et nous sermonne ». Le monde virtuel nous cerne, sonde notre intime, nous remplace, nous trace, nous devine : en interrogeant ces entités mystérieuses et redoutées, la création qui se veut quelque peu politique interroge les collisions entre identités numérique et intime. Adepte d’un théâtre qui se construit là on ne l’attend pas, le Groupe Merci retrouve ici un rapport frontal au public pour mieux mettre en scène ses inquiétudes et questionner nos (in)capacités communes.

Louise Chevillard, « J’accepte, création du Groupe Merci », La Terrasse, n°297, 21 février 2022

Portrait

Charles Robinson est écrivain. Son premier roman, Génie du proxénétisme, explore les déboires du capitalisme et ses excès les plus immoraux, et est adapté au théâtre par le Groupe Merci en 2010. Il publie par la suite Dans les cités (2011), puis Fabrication de la guerre civile (2016), deux volets d’un même cycle romanesque qui racontent la vie quotidienne dans une cité promise à la démolition.
Ses travaux suivent quatre directions qui s’entrelacent : l’écriture, la création sonore, la littérature live et la création numérique. Il développe des performances en solo ou avec des musicien·nes, danseur·ses, comédien·nes et vidéastes afin de sortir le texte du livre et de le faire vivre dans de nouvelles pratiques. Il collabore de nouveau avec le groupe Merci en 2022 pour la pièce J’accepte.
Charles Robinson anime également des ateliers d’écriture au Vent des Signes à Toulouse.

En 1996, le Groupe Merci s’est inventé une fructueuse aventure qui depuis a donné lieu à vingt-neuf objets nocturnes. Des îlots pour risquer un théâtre de l’intranquillité, un théâtre de l’ironie, avec comme laboratoire de recherche, port d’attache et de départs le pavillon Mazar, tristement disparu en 2021. En 2019, Solange Oswald quitte la compagnie, qui poursuit avec Joël Fesel l’étendue de son archipel. Plusieurs création du Groupe Merci ont été présentées à Garonne : Une Supérette (2019, à l'occasion du festival In Extremis), Programme (2019) et Pavillon Mazar en danger (2020).

J'accepteGénérique

création Groupe Merci
avec l’auteur Charles Robinson, Objet nocturne n°29
écriture, processus de refroidissement des hypothèses Charles Robinson
mise en scène, scénographie, mise en irruption Joël Fesel
création vidéo Xano Martinez
création lumière, pare-feu Raphaël Sevet
création musicale, bruitiste Boris Billier
construction Hadrien Albouy, Stéphane Chipeaux-Dardé
production, diffusion (devance même nos désirs) Céline Maufra
irruption (comédien·ne·s) Catherine Beilin, Georges Campagnac, Marc Ravayrol, Louise Tardif
remerciements Marie-Laure Hée et le laboratoire In Cookies Project

production Groupe Merci
coproduction avec Pronomade(s) en Haute- Garonne, Cnarep, théâtre Garonne – scène européenne, Toulouse, Le Parvis, scène nationale Tarbes Pyrénées, GIE FONDOC, Théâtre de Châtillon-Clamart, Le Cratère, scène nationale d’Alès
avec le soutien de DGCA – compagnonnage auteur Pavillon Mazar, Toulouse, L’Usine, Cnarep Tournefeuille Toulouse Métropole, Le ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie

création 2022, le 10 mars au Théâtre de Châtillon