La Brande

" Une quinzaine d’années après la Seconde Guerre Mondiale, période pendant laquelle des dizaines de milliers de fous, de folles, meurent de faim et de froid dans des asiles ou sont exterminé·es sous le régime nazi, un groupe de psychiatres se revendiquant du mouvement de la « psychothérapie institutionnelle » se réunit. (…) contrairement au mouvement de l’antipsychiatrie, iels ne veulent pas supprimer mais soigner une institution malade, visant à bouleverser la considération et l’approche de la folie, et tentant de penser une humanisation du fonctionnement des établissements psychiatriques, collectivement. (…) 
Le spectacle s’écrira d’abord à deux mains, Marie Menechi et moi-même allons constituer une première version du projet, comme une grande trame très documentée, puis, à partir d’improvisations des comédien·nes au plateau nous créerons la pièce. (…) Nous avons décidé d’inscrire notre récit dans ce moment particulier de la fête estivale car il nous a semblé, en lisant, en regardant des documentaires et en allant faire un stage dans une clinique psychiatrique à cette période, qu’il s’agissait d’un rendez-vous qui catalysait et mettait en relief beaucoup de choses dans ces cliniques. La fête est avant tout un facteur de mouvement, voire de désordre, la préparation collective de cette fête exceptionnelle mobilise tout le monde et fait sortir de la banalité du quotidien, mais est aussi un bon prétexte pour aller prendre par la main celleux dont le repli passe plus inaperçu et les entrainer dans la farandole. (…)
Si les scènes de réunions des psychiatres semblent se faire dans un espace hors du temps, l’intrigue principale se passe dans une pièce qui serait une sorte de centre névralgique de la clinique, « le grand salon » comme on pourrait l’appeler à La Borde, où se déroule aussi bien des veillées que des réunions thérapeutiques ou d’organisation, des répétitions de théâtre, de musique, ou simplement des moments d’errances.
Le travail du son permet d’être dans l’ambiance de ce lieu en laissant courir le bruit des entoures, de la vie qui grouille autour. Cette pièce reste à chaque fois imprégnée de ce qui s’est passé la fois d’avant, mue en fonction de l’activité qui se fait, de l’humeur de l’instant qui se créé, laisse résonner dans ses murs les nouvelles du monde en contraste avec la vie quotidienne du lieu. Le décor est circonscrit par des murs, les murs de l’institution, car malgré tout il y en a, mais les portes sont toujours ouvertes, la circulation est libre. La lumière est également très importante, elle agit à la fois comme seul indicateur du moment de la journée ou de la nuit, du temps qui passe, et comme le symbole d’un extérieur qui pénètre les murs, du soleil qui perce les corps, tantôt réchauffant tantôt éblouissant. "

ALICE VANNIER, septembre 2022