
The End of Reality
Richard Maxwell / Marie-José Malis
Cette création est une première à maints égards : première traduction en français d’une pièce de l’Américain Richard Maxwell, pour la première fois mise en scène par une autre personne que lui, en l'occurence, Marie-José Malis, qui fait le pari de révéler dans notre pays l’un des plus importants auteurs du théâtre aujourd’hui.
La réalité a ceci de commun avec la pesanteur : c’est qu’elle nous tient au plus près du sol, et nous empêche de nous élever vers des aspirations plus hautes. Sur la scène de The End of Reality, imaginée comme un ponton reliant l’aire de jeu des acteurs aux premiers rangs des spectateurs, six personnages en quête de hauteur : Tom, Brian, Marcia, Shannon et les autres télescopent leurs solitudes dans cette société de sécurité qui les emploient. Au fond du plateau, l’horizon est littéralement borné par les images incertaines d’un monde extérieur qu’on ne perçoit qu’à travers des écrans de surveillance. La question n’est pas tant de savoir qui sont ces gens – des gens « simples », c’est-à-dire hantés par des abîmes de complexité que le texte génial de Maxwell dévoile au fil de la pièce. Il s’agit plutôt de démêler, au fil de cette série de portraits alternant à loisir légèreté prosaïque et sublime gravité, l’écheveau de croyances, de doutes et de peurs mêlés qui fonde notre humanité. Car pour Malis comme pour Maxwell, l’individu n’est pas défini par son état civil, sa couleur, son rôle social, ni par le badge qu’il porte sur la poitrine, mais par sa foi en une vie plus épanouissante, sa soif jamais assouvie d’un avenir où « être ensemble » prendrait enfin tout son sens. Et comme souvent chez Maxwell, c’est un personnage de jeune sauvageonne, le feu follet Marcia, qui comme une tornade vient briser la digue fragile des masques et des certitudes.
Tom souffre de ces « temps qui changent », et de la difficulté à être dans celui qui vient : « je sais que l’on est déjà dans l’avenir… et le passé me manque », Brian ne jure que par l’importance d’être vivant quitte à se faire mal en aimant pour se prouver que l’on vit, Marcia a « besoin d’être sauvée, comme tout le monde ». Tous nous disent cette difficulté de se conformer au monde et à l’image de nous-mêmes qu’il nous impose d’épouser, ce déchirement entre celui que nous étions hier et celui que nous sommes devenus, entre moi et l’autre, l’étranger qui me fait face… Et leurs déclarations […] nous donnent à entendre enfin l’énergie lumineuse, vitale, de ceux qui ont peu sinon rien, comme des battements d’ailes dans le silence du monde. C’est un cadeau inestimable.
Un fauteuil pour l’orchestre, février 2019
de Richard Maxwell
mise en scène Marie-José Malis
avec Pascal Batigne, Maxime Chazalet, Moussa Doukoure, Maxime Fofana, Olivier Horeau, Mamadou Kebe, Marie Schmitt
Moussa Doukoure, Maxime Fofana et Mamadou Kebe sont des membres de l’École des Actes
traduction Stéphane Boitel
scénographie Marie-José Malis, Jessy Ducatillon et Adrien Marès
construction du décor Adrien Marès assisté de Oxumare Batista dos santos
création lumière Jessy Ducatillon assisté de Manon Lauriol
création sonore Christophe Fernandez
costumes Zig & Zag
production La Commune Centre Dramatique National d’Aubervilliers
coproduction Théâtre Garonne, Toulouse
remerciements à Richard Maxwell
The End of Reality a été créé le 6 février 2019 au Théâtre de La Commune - CDN d’Aubervilliers
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de 10 à 25 €
Marie-José Malis fonde en 1994 la Compagnie La Llevantina. Elle dirige La Commune CDN d’Aubervilliers depuis janvier 2014.
Le théâtre de Marie-José Malis est un théâtre du texte et de la présence. Les acteurs y développent une vérité d’expression particulière et l’espace aussi y est remarqué pour sa densité poétique et sa dimension de théâtralité assumée. Le répertoire de la compagnie varie entre de grands textes du répertoire et des textes mineurs, poétiques ou théoriques, plus actuels, qui permettent de montrer que le théâtre est un lieu qui organise la pensée du temps, met en lumière ses déchirures, les conditions de son courage aussi. Sa conviction est que le vrai théâtre est aussi rare que la vraie politique.
À Garonne, elle a présenté : Contre la télévision de Pier Paolo Pasolini (2008), Le Prince de Hombourg de Heinrich von Kleist (2009), On ne sait comment de Luigi Pirandello (2015).
Richard Maxwell est né en 1967 à Fargo, dans le Dakota du Nord. Après des études de théâtre, il crée sa première troupe à Chicago, le Cook County Theatre Department, avec laquelle il initie sa réflexion sur le travail d’acteur et sur les codes de l’écriture théâtrale. En 1994, il s’installe à New York et fonde sa compagnie des New York City Players, avec laquelle il se fera connaître aux Etats-Unis et à l’étranger : ses pièces, parmi lesquelles on peut citer Drummer Wanted (2001), Good Samaritans (2004), The end of Reality (2006), Neutral Hero (2010) et The Evening (2015), ont été jouées dans une dizaine de pays, au Festival d’Automne, au Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles, à Londres et Dublin, et ont remporté de nombreux prix. Son oeuvre s’attache à décrire les anti-héros de la grande épopée américaine, avec un humour et une lucidité mordante qui font de lui l’un des plus grands exégètes de la société contemporaine. Au fil des années, Richard Maxwell s’est imposé comme une figure majeure du théâtre d’avantgarde. Il développe un style dépouillé, dénué de tout spectaculaire, où seule importe la manière dont le texte s’incarne dans le corps des acteurs. Ces derniers se signalent par leur diction particulière : Maxwell demande à sa troupe de ne pas simuler des émotions qu’ils ne ressentent pas, et de garder une parole sobre et sans effets. Il s’agit donc d’une esthétique du vrai plus que du vraisemblable, qui anéantit l’illusion théâtrale et interroge les techniques éprouvées du travail d’acteur. Maxwell collabore d’ailleurs régulièrement avec des non-professionnels dans ses projets – le dernier en date, Immigration Stories, l’a amené à travailler avec des migrants.