Misericordia

Des cliquetis d'aiguilles à tricoter et des chuchotements dans le noir et nous voilà propulsés dans Misericordia, lieu de la « misère » et du « cœur ». C'est dans sa Palerme natale, théâtre grandeur nature, qu'Emma Dante puise images populaires et personnages au bord du monde de ses pièces. Ici dialectes des Pouilles et de Sicile se mêlent au langage du corps pour dire la maternité et le miracle de l'amour. Ce sont les corps fatigués et excessifs de Bettina, Nuzza et Anna qui le jour tricotent et la nuit se vendent sur le pas de leur porte. C'est celui, désarticulé et tournoyant, d'Arturo, orphelin infirme, aussi mutique que ses trois « mamme » de substitution qui le protègent et ont le verbe rugueux. Autour de ce Pinocchio innocent et joyeux, virevoltent dans une danse fougueuse éclats de voix et de rire. Exclue de la société de la norme et de l'argent, cette famille de déshérités invente chaque jour ses moyens de survie dans la solidarité et la compassion. Sur le plateau, tout est rythme, tout fait sens : chansons siciliennes, objets sauvés des poubelles, chorégraphie sublimée du quotidien, images en clair obscur. La vitalité et la grâce de ses interprètes – trois comédiennes et un danseur – entraînent ce conte contemporain inscrit dans la tradition néo réaliste italienne vers la lumière, loin de tout misérabilisme social. Face à la solitude, l'indigence et la violence, Emma Dante oppose une poésie dévastatrice, pleine de rage. Sa pièce dépouillée de tout artifice déborde d'une humanité qui a dit oui à la vie.

Three women, Bettina, Nuzza and Anna live together with Arturo, an orphan who is mentally and physically disabled. Their caring for him Is exemplary as is their caring for each other. Life is hard for them but they make ends meet by selling their bodies at night. During the day, they gather to knit and enjoy Arturo’s antics. Their love for each other and Arturo demonstrates a poignant tribute to mothers and their capacity for love and resilience. An ode to mercy.