Live concert

Dewey Dell

Musique
5mai
billet
mardi 5 mai 2015 / 21:30 / 40'

Héritiers de l’esprit de Romeo Castellucci, Agata, Demetrio, Teodora Castellucci et Eugenio Resta cultivent leur propre univers sonore, visuel et chorégraphique. Live Concert vous plonge dans les visions d'une musique électronique somptueuse et hantée.

Dewey Dell a été fondé à Cesena (Italie du Nord) en 2007 par quatre membres de la tribu Castellucci : Teodora, Agata, Demetrio Castellucci et Eugenio Restra. Héritiers de l’esprit de la Societas Raffaello Sanzio de Romeo Castellucci, ces jeunes gens ont été par ailleurs formés à Stoa, l’école philosophique du geste et du mouvement de Cesena. Un collectif multidisciplinaire (dont le nom est un hommage à Tandis que j'agonise de Faulkner) qui sculpte son propre univers sonore, visuel et chorégraphique, avec un succès croissant. Live Concert, projet exclusivement musical conçu avec la complicité de Black Fanfare, vous plonge dans les visions d'une musique électronique somptueuse et hantée - comme la bande-son trippante d'un film que David Lynch n'aurait à ce jour pas réalisé...

Entretien avec Eugenio Resta et Demetrio Castellucci
Vous vous êtes rencontrés à l’école de mouvement rythmique à Cesena en Italie. Comment se déroule la formation ? Qu’avez-vous étudié ?
Eugenio Resta : Les cours avaient lieu une fois par semaine pour trois ou quatre heures. En réalisant des exercices rythmiques, nous avons travaillé l’interprétation ou l’expression d’une idée précise. Sinon, nous avons étudié la philosophie ou l’histoire de l’art. Nous avons également créé des chorégraphies. Nous ne l’avons jamais appelé danse car il s’agissait de formes dansantes plutôt folkloriques, dit ballo en italien, qui se réalisent en ronde avec un nombre variable de personnes (de 12 à 30). En 2007, Teodora et moi, nous nous sommes rencontrés à l’école et nous avons fait quelques performances courtes. C’est elle qui commençait à approfondir la réflexion autour du travail de création. Elle proposait à notre promotion de participer à une création et de la présenter lors d’une journée de portes ouvertes de l’école. Après, nous avons décidé de nous inscrire à une compétition et nous avons gagné un prix. Depuis, nous collaborons ensemble sur des créations.

Lorsque vous créez une nouvelle pièce, votre point de départ est-il dans le rythme, le mouvement ou dans le texte ?
Eugenio : Cela dépend. En tout cas, nous ne partons jamais d’un texte. Ça change toujours. Par exemple, pour A elle vide, Teodora a commencé avec la création d’une chorégraphie à partir d’un morceau de musique et puis elle l’a montré à Demetrio. Ensuite, Demetrio a créé une nouvelle musique pour la chorégraphie. Teodora a adapté la chorégraphie à la création musicale de Demetrio et nous avons avancé ainsi de suite. En général, nous partons d’un mouvement, d’une musique ou, quelque fois, d’une idée. Après, nous essayons de relier tout en changeant ou en adaptant nos idées à la réflexion de l’auteur. Nous tentons également de varier et d’expérimenter avec de nouvelles façons de s’accorder l’un à l’autre.

Quand vous commencez avec une nouvelle création, travaillez-vous tous ensemble ? J’entends que vous avez tous différents champs d’intervention. Vous, par exemple, faites la lumière et la scénographie, n’est-ce pas ? Alors, lorsque vous débutez avec une nouvelle création, vous vous retrouvez dans une même salle pour proposer vos idées liées à vos pratiques ?
Eugenio : Chacun de nous quatre se consacre à une pratique spécifique. Je m’occupe, par exemple, de la lumière et de la scénographie ; Demetrio crée la musique ; Teodora et Agata dansent et font la chorégraphie ; Teodora conçoit également les costumes. Au départ, nous ne travaillons pas tous ensemble dans la même salle. Chacun travaille d’abord seul, puis nous nous confrontons aux autres pour avoir un feed-back. Ensuite, nous commençons à travailler et à réfléchir ensemble pour élaborer la pièce. Nous avançons étape par étape.

Je m’intéresse au fonctionnement interne de groupes. Je me demande si un de vous devient modérateur dans la création. Qui possède le pouvoir de la décision finale ? Ou gérez-vous ces questions en groupe ?
Eugenio : Nous travaillons véritablement en groupe. Chacun peut faire des retours sur les pratiques des autres et chacun peut lancer de nouvelles idées pour la création. Les décisions finales dépendent de tout le monde. Si quelqu’un a envie d’utiliser un effet de laser, je vais l’essayer. Si jamais le groupe décide qu’une idée n’est pas intéressante, nous en discutons ensemble. Personne ne possède le pouvoir de la décision finale.

Demetrio, vous êtes le musicien du groupe, n’est-ce pas ?
Demetrio Castellucci : C’est ça. Depuis que j’ai commencé à faire de la musique, j’ai toujours mis en relation musique et mouvement. Avant Dewey Dell, j’ai fréquenté l’école de Cesena (qu’Eugenio a déjà évoqué). Depuis 2005, on m’a demandé de créer du son ou de réfléchir aux ambiances sonores de différentes performances de l’école. J’étais libre de choisir ce que je voulais faire et j’avais donc le choix de créer ma propre musique ou de travailler avec de la musique existante. Cette grande liberté était comme une page blanche devant moi. Souvent, je trouve qu’en théâtre la musique déjà déterminée apporte un risque. Lorsque j’entends de la musique existante et connue au théâtre, j’ai déjà toutes les informations de ce qu’il va suivre. Pour moi, il est important de créer de façon immédiate du son qui s’inspire du mouvement et de la chorégraphie. C’est une naissance simultanée entre les deux.
Propos recueillis par Mark MacCloughan

Une coproduction du théâtre Garonne, des Théâtres Sorano - Jules Julien et du Festival Actoral / en partenariat avec le Centre Régional des Lettres Midi-Pyrénées et la librairie Ombres Blanches

original music Dewey Dell / Black Fanfare
electronic devices realization John Nguyen
production Dewey Dell, 2014