Nathalie Nauzes

AntigoneS aurait dû être créé en novembre 2020 à Garonne après deux périodes de résidence. La création a été reportée en mars 2022, soit plus d’un an après…

D’où vient votre désir de mettre en scène Antigone, le roman d’Henry Bauchau ?

J’ai découvert l’Antigone d’Anouilh à 15 ans. C’est elle qui m’a donné envie de faire du théâtre. Je n’aurais pas pu la choisir, car j’aurais dû la jouer moi-même. Mais c’est ma source. Et là, c’est le moment... On met du temps à pouvoir être ce que l’on est. Je me rapproche un peu plus, à chaque création du théâtre que j’ai envie de faire. Avec Norén, l’emprise des textes était forte, il fallait les monter. Avec Yeats, c’est de la poésie, moins de choses m’étaient dictées. Aujourd’hui avec Bauchau, je me sens encore plus libre. Parce que son Antigone n’est enfermée dans aucune époque, que sa prose est sublime et tellement possible sur le plateau, et qu’elle laisse beaucoup de place pour vouloir quelque chose. Je me suis également inspirée des Antigones, le si vaste et érudit essai de Steiner que j’ai découvert à 20 ans. J’en ai extrait des choses qui me faisaient vibrer, d’une compréhension pas seulement intellectuelle

De quelle façon voulez-vous faire entendre et voir ce texte sur le plateau ?

Nous voulons faire advenir les sensations que l’on a eues à la lecture pour les partager avec le public. Laisser la place aux gens. Quand je suis au théâtre, je n’ai pas tant envie de comprendre que de ressentir. De nombreuses images étant déjà très présentes dans l’écriture de Bauchau, le jeu est surtout là pour révéler leur force vitale. Pour cela, nous tâchons de conserver dans l’interprétation quelque chose de notre première lecture, de nos premières émotions : continuer à lire sur le plateau et au-delà, oublier ce que l’on sait et garder ce qui arrive dans l’instant. Comme une chose active, toujours neuve. J’ai par ailleurs mis en dialogue le texte avec des scènes muettes que j’ai écrites. Elles tracent des chemins possibles entre les différents monologues, où le rêve et l’inconscient peuvent se mêler à la réalité. Une façon de rendre visible l’impalpable : des émotions ou des pensées fondamentales pour nous, qui nous traversent silencieusement. Je cherche à les éclairer, à les recomposer avec des choses éparses. Un geste, un objet, quelques mots répétés. Parfois seulement la durée d’une action, le temps qui s’étire. Trouver comment ces mouvements de pensée se fabriquent en chaque personnage et dans les corps en mouvement.