Emmanuelle Huynh

Nuée

Dans la lignée de Mùa son premier solo, présenté à Garonne en 2003, Emmanuelle Huynh, poursuit son cheminement vers les terres vietnamiennes paternelles. Suite à la disparition de son père, elle retourne au Vietnam et imagine un nouveau solo dansé, Nuée. Après l'avoir accueillie en résidence en octobre 2020, nous présentons le spectacle cette saison.

Quelle a été la trajectoire entre Mùa, ton premier solo, ton premier travail sur le pays paternel et Nuée vingt-cinq ans plus tard ?

Emmanuelle Huynh : Ce travail s’est fait suite à une villa Médicis sur les murs au Vietnam. Je ne connaissais pas ce pays, j’étais dans un moment de grande crise. Je suis revenue, et Mùa a existé, ce qui a été une métaphore du voyage vietnamien. Mais, c’est plus large que le voyage vietnamien, c’est aussi une trajectoire de danseuse, d’interprète, d’une jeune femme. Vingt-cinq ans après c’est une autre crise, qui est la disparition de la figure paternelle. Ça m’amène, à nouveau, à repartir parce qu’il y a eu trop peu de mot. Et il y a aussi eu un livre que notre père nous a laissé. Il a eu le temps d’écrire ce qu’il n’avait pas eu le temps de dire, notamment sur la fratrie, là où il est né, là où il avait grandi, appris à lire, et d’où il était parti sur les rives du fleuve Saigon. J’ai eu envie de retourner dans ces endroits, en ayant la conviction, que les endroits nous font tout autant que nous les faisons.
Donc retourner là où mon père est né en frontières cambodgiennes ; retourner au Delta du Mékong là où il a appris à marcher, à parler ; retourner sur les rives du fleuve de Saigon exactement d’où il est parti, avec les photos, la famille qui était encore là, c’était pour moi revenir sur les traces et me mettre physiquement dans un endroit où j’aurais pu apprendre, comprendre, ressentir.
Je suis la deuxième génération métisse. Le métisse par définition n’est ni de là-bas, ni d’ici. Donc c'est aujourd’hui, réexplorer, cet endroit de ni de là-bas ni d’ici, avec les gens avec qui je travaille...