Tiago Rodrigues

« Le théâtre Garonne est une de mes maisons dans le monde ; comme une maison de famille, où je me sens vraiment chez moi, où j’ai vécu des histoires personnelles très fortes et où je crois au travail qui est fait. À tout moment, je peux fermer les yeux et voir la Garonne depuis sa terrasse. J’y ai eu tellement de discussions et de débats, j’y ai entendu parler de tellement d’auteurs et d’artistes, j’y ai appris par cœur tellement de textes... C’est mon balcon de Juliette, ce balcon-là. » Tiago Rodrigues

Tout a commencé par un mensonge : lorsqu’en 2001, les tg STAN demandent à ce jeune comédien portugais s’il sait parler français pour jouer dans la pièce qu’ils vont créer à Garonne, il répond « Ça va ». S’ensuivent 9 mois d’apprentissage intensif à l’Alliance Française de Lisbonne et une mémorable double Antigone. 18 ans après, lorsque Sopro – sa dernière création –, rejoue entre ces mêmes murs une scène du chef d’œuvre d’Anouilh, celui qui est devenu depuis dramaturge et metteur en scène peut encore, de sa place dans les gradins, murmurer la tirade d’Hémon pour Jacky Ohayon, assis à ses côtés. Une relation d’accompagnement, de partages et d’amitié qui va bien au-delà de la programmation des pièces : « J’ai beaucoup appris avec toute l’équipe ici, parce que ce n’a pas été entre nous une histoire fondée sur le marché ou l’efficacité, mais plutôt sur l’attention. Le théâtre Garonne voyait mon travail, gardait le contact, me parlait, même lorsque cela ne se traduisait pas en présentation. Il fait partie de ces communautés qui nourrissent votre travail. » De fait, avant Sopro, Garonne a accueilli By Heart en 2015 et 2019, et proposé un parcours artistique en 2017 avec Bovary, Antoine et Cléopâtre et The Way she Dies, offrant ainsi au public toulousain une immersion dans l’œuvre de cet artiste humaniste et engagé, à l’écriture scénique précise, explorant avec profondeur et humilité les pouvoirs d’un art dont on sent qu’il l’habite passionnément. Un engagement généreux, qu’il met également en œuvre depuis 5 ans en tant que directeur artistique du Teatro Nacional Dona Maria II de Lisbonne, menant de front un double combat pour la liberté artistique et le service public de culture : « Il est essentiel de ne pas prendre en otage les désirs et pulsions de la recherche artistique au nom de l’utilité de la création, qui n’a pas à être prouvée. C’est à l’institution qu’il appartient ensuite de faire la médiation et de traduire cela en service public. » Une mission dont il s’acquitte avec ferveur, œuvrant pour le soutien des compagnies et techniciens indépendants, l’accessibilité des œuvres sur tout le territoire national et l’internationalisation des artistes portugais. Agathe Raybaud (juin 2019)